MZUNGU
Un jeune looser, véritable petit con, décide de devenir riche en écrivant un livre sur la culture du chanvre.
Il veut ainsi se rendre sur les lieux de production de cette plante.
En fait de voyage, il ne fait que rester dans sa ville d’adoption, Paris.
Rencontrant de véritables bourlingueurs, on voyage avec ces derniers par le biais de nouvelles.
On comprend qu’il n’avance ni dans son voyage, ni dans son écriture, ni dans la recherche de sa sœur, dont il a apprit l’existence.
Il place un peu d’espoir dans son future en pensant la retrouver, et enfin il croix pouvoir aimer une femme.
CHAPITRES
I :Paris – Le Dr Dussollier -xx
II :Winnie part travailler – xx - SDF
III : Au coin du feu - Histoire d’Abdurazak, par Robertino – Arrivée chez Winnie
IV: Chez Winnie avec Meghan – Maroc, Abdel et Ali - Séparation
V: Départ, et découverte de sa sœur – xx – chez Antoine : ses plans
VI:
JEROME
AMSTERDAM MASHA ET LES CORDE
SUD DE LA FRANCE: LA CIBOULETTE
DAR
STOWN TOWN
NUNGWY
ROBERTINO
ONZE HEURES
LA NUIT AU VILLAGE POUR WINNIE
PASSAGE MAROCAIN, A PARIS
MARKES A STONE TOWN
DANS LE 4X4 TOYOTA
DEPART POUR LA ZAMBIE
GIFTY, PERDU AU MILIEU DU BUSH
MANGEE PAR UN HIPPOPOTAME
CHEF CHAOUEN
La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible (-« De quoi est il mort ? » -« De la vie, Madame ! De la vie ! »)
- Je ne pars plus pour écrire mon livre sur la beuh. Je pars à la recherche de ma sœur !
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PLAN
I : Paris
Yves introduit le vrai héros du livre par qq phrases.
On comprend le plan de chaque chapitre :
1 histoire par elle mêmeLe papi, voisin de Winnie et le décors
2 carnet de voyageAfrique Dr Dussollier
3 retour à l’histoireLili part de chez son grand père
II : Paris
1 On comprend que Winnie est le vrai héros : dans le métro, allant travailler
2
3 Le SDF se fait avoir
III : Histoire d’Abdurazak, par Robertino
1 Soirée au coin du feu : introduction de Meghan
2 Abdu à Marrakech, par Robertino
3 Arrivée chez Winnie avec Meghan
IV: Meghan, au Maroc
1 Meghan chez Winnie, le soir
2 Meghan pars au Maroc : mésaventure pour Abdel
3 Winnie quitte Meghan
V: Le future se trace
1 Winnie quitte son appart, il apprend pour sa soeur
2
3 Organisation du plan de Winnie, chez Antoine
VI:
La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible (-« De quoi est il mort ? » -« De la vie ! »)
JEROME
AMSTERDAM, MASHA ET LES CORDES
SUD DE LA FRANCE: LA CIBOULETTE
DAR
STOWN TOWN
NUNGWY
ROBERTINO
ONZE HEURES
LA NUIT AU VILLAGE POUR WINNIE
PASSAGE MAROCAIN, A PARIS
MARKES A STONE TOWN
DANS LE 4X4 TOYOTA
DEPART POUR LA ZAMBIE
GIFTY, PERDU AU MILIEU DU BUSH
MANGEE PAR UN HIPPOPOTAME
CHEF CHAOUEN
I
INTRO ALTERNATIVE
Ma vie est toute simple a paris. Le soleil tape dans ma fenetre, je donne plein sud. Sur la place en bas de chez moi, des musiciens jazz jouent
I
PARIS
« …Je pose un genoux au sol.
Personne autour de moi ne semble s’être aperçu qu’un coup de feu vient d’éclater. Et qu’un homme est touché. Tous sont en extase devant Tim Hardin et Ravi Shankar. Tout le monde sauf moi qui vient de recevoir la balle destinée à John Roberts.
C’est un fermier réfractaire à la musiques des hippies qui voulait se venger des producteurs du festival de les laisser envahir son champs en fait, dommage pour mon épaule. Un fermier des Etats Unis qui ne sais pas tirer c’est un comble tu ne trouves pas ma chérie ? »
La petite Lili fronce les sourcils. Elle plisse les yeux et montre une sorte de sourire, les lèvres pincées. comme si elle ressentait la morsure de la balle reçu par son grand père, puis elle pousse un léger soupir en rentrant la tête dans les épaules.
- Et oui les enfants, j’ai reçu une balle ici ! Pile-poil où je vous montre… Oh ! Mais on l’a enlevé depuis ! La fin de sa phrase sonnait rassurant.
- Merci de préciser ! souffla t’elle discrètement à sa mère juste pour que elle seule puisse l’entendre. Mais bon, vu la discrète !
- Pardon… !? demanda l’Ancien, incertain d’avoir compris l’ironie…
Silence. Plus d’allusions.
- Ok papa, tu finiras de lui raconter ton histoire quand je serais partie. Je vais être en retard.
Sa mère embrasse la petite tout en enfilant une gabardine de velours vert. Tu es sage, et tu embêtes pas ton grand père, d’accord ? Le doigt pointé en direction de son nez montre à la petite que sa mère ne plaisante pas, elle n’est pas d’humeur.
- Papa, à demain. Merci pour Lili. Elle se penche, et prend le petite dans ses bras pour l’embrasser.
- Hey, tu m’écrases ! Elle ne repousse pas sa mère, mais de justesse.
Une fois seuls, Lili aide son grand père à essuyer la vaisselle. Elle, sur un petit escabeau à coté de son papi, elle chantonne à mi voix, et lui, la regarde amusé.
Ils se sentent bien, tout les deux apparemment.
Une fois couchée, Yves se prepare un thé
Son mug à portée de main, il pose les pieds sur la table, il ouvre, à la page marquée, sa revue dont le Dr. David Livingstone pourrait être le héros. Mais c’est d’une toute autre équipe, formée par Frédéric Dussollier, Docteur en médecine également, que parle cette courte histoire.
« Ici, aucun moment de silence. S’il est vrai que les bruits de la ville sont agressifs, et ne laissent aucun répit à nos sens, la jungle et la sauvagerie animale éveillent à leur tour cette impression de danger. Les singes aboyeurs, les oiseaux siffleurs, le craquement des branches au moindre lézard qui s’enfuit à l’approche du prédateur, tout cela est inconnu pour l’homme blanc qui s’impose, qui espère s’imposer, dans cette terra-incognita. Mille merveilles derrière chaque branche. Ici, aucune route n’est tracée. Aucun chemin ne peut être emprunté à moins d’être façonné. Oiseaux inconnus aux couleurs arc en ciel, papillons plus grands qu’une page d’illustrateur qui se laisserait perdre dans les mélanges de ses couleurs.
Tous les sens en alerte, afin de ne pas rater une merveilleuse créature inconnue, mais aussi afin de ne pas se laisser surprendre par une autre créature, celle ci déplaisante et menaçante. Araignée géante, ou même celle ci, pas plus grande qu’un bouton de chemise, aux formes triangulaires mais agressive tout autant; serpents tueurs d’hommes, comme le mamba noir ; tout animal sortant d’une légende serait possiblement visible dans ces forets tropicales de la Rodhesie.
Avançant à coup de machette par coup de machette, la faible équipe du Dr. Dussollier se fraie un chemin à travers les lianes et les racines qui se mélangent jusqu’à des dizaines et des dizaines de mètres de haut. Des épines de plusieurs centimètres y poussent dessus, et freinent l’avancées des explorateurs en les retenant par leur pantalon et leur chemise. Les guides et les porteurs, quand à eux, arrivent à avancer, rarement arrêtés à cause d’une coupures due à ces aiguilles vertes et brunes.
Tous sont en sueurs, du fait de la marche en terrain accidenté, qui demande à chaque muscle d’être bandé afin d’assurer stabilité et sécurité ; mais aussi à cause de l’ombrage qui n’est plus assez suffisant pour protéger du soleil et de la moiteur de la foret.
C’est maintenant depuis un peu plus de quatre semaines que la petite équipe formée pour, et par le Docteur avance à tâtons dans cet épais jardin d’Afrique australe. La machette de Zizi est à double tranchant. Il ramène le bras vers l’intérieur, il coupe. Il ouvre vers l’extérieur, il tranche. Le bruit de la lame est généralement cinglant, mais il a parfois le même bruit d’une lourde hache fendant une bûche. L’avancée se fait à son rythme, les pauses se décident quand son bras est fatigué.
C’est en quête de nouvelles herbes médicinales, de découvertes mystérieuses, et d’aventures que cette poignée d’homme s’engouffrent vers l’inconnu.
Des merveilles, ils en rencontrent tous les jours. Des parfums et des couleurs associés de manières inimaginables. Des espèces de plantes jusque là inconnues. Des joyaux pour les botanistes et les chercheurs.
Depuis une demi journée, un bruit grandissant effraie, ou au moins intrigue, l’équipe. Deux des porteurs auront d’ailleurs été repris de justesse alors qu’ils essayaient de s’enfuir, mais ont retrouvés le droit chemin quand le Docteur leur promit une prime alléchante. Chaque homme étant indispensable pour la réussite de cette expédition.
Le bruit du monstre grandit et grandit encore, à chaque avancée plus audible. L’inquiétude croit en proportion. Lourd et indistinct, chacun y met sa proposition. Un ours géant, deux fois un grizzli. Un lion, un éléphant.. Le vent lui, est soupçonné par le chef scientifique.
Loin de la vérité, les délires les plus fous sont évoqués, le dieu Nyami Nyami lu même est nommé. Quand enfin, après avoir coupé une foret toute entière à la main, le dernier effort pour voir devant soi est réalisé, c’est devant un nuage, ou plutôt une pluie qui remonte vers le ciel, qu’arrivent ces hommes qui redoutaient le face à face avec la bête.
La bête est bien vivante, mais ce n’est pas de sang qu’elle est constituée, mais d’eau. Devant un mur d’une centaine de mètre de haut, chacun se retrouve muet d’admiration devant un arc en ciel au pied de la plus grande chute d’eau que chacun ai pu voir, ou même imaginé.
Un bruit de tonnerre les entoure, ils restent là, sous une double pluie : montante, les chutes rejetant un nuage de gouttelettes vers le ciel, et retombante.
Ils sont trempés, surpris par l’apparition de ces chutes, perdues au milieu de la foret. Ils pensent alors être les premiers hommes à la découvrir.
Ils vont s’apercevoir bientôt qu’ils ne sont que des étrangers foulant une terre magique.
Une tribu Kololo se distingue de ses voisins par son agressivité.
- Et bien, on va trouver un endroit au sec, et on va monter le campement, ordonna Dussollier, on va rester ici quelques jours. C’est une aubaine pour notre botaniste, n’est ce pas André ?
- Certes, certes Docteur, lui répondit ce dernier, la chaleur et cette eau en suspension doivent former un paradis tropical où on doit trouver des espèces endémiques tout le long de ces chutes. Ca ne m’étonnerais pas que l’on trouve des XXXXXXXXX.
Un des porteurs ayant tenté de se sauver le coupa :
- Le dieu Nyami Nyami est le créateur de ces chutes, nourrissant les Tongas qui croient en lui. Mais les Kololos ne sont pas aussi pacifiques, on ne devrait pas rester chez eux !
- Allons Sally du calme, lui dit le docteur en s’approchant de lui avec un sourire, on ne vient pas ici pour faire la guerre. Nous ne sommes pas non plus des missionnaires. Et qu’est ce que c’est que cette histoire de dieu Miam Miam ? Allez tout le monde, on prépare le camp pour cette nuit !
Ayant donné à chacun un rôle qu’il connaît bien, le docteur Dussollier se mit à son livre de route. Il y décrit les difficultés de la journée, les craintes de ses hommes, et la fabuleuse découverte des chutes qui aurait du, enfin, avoir pour effet de donner de l’entrain toute la troupe. Mais eu un effet contraire pour quelques uns.
La nuit tomba comme chaque jour rapidement et tôt, le campement et le feu furent … »
- Papi… PAPI…
Mais qu’est ce qu’elle a à crier comme ca, cette petite ? Le livre posé à coté du thé, son grand père se lève et se dirige vers sa chambre.
- Qu’est ce que tu as ma chérie, tu as fais un cauchemar ?
Elle laisse traîner un non, las, on sent qu’elle est fatiguée, proche de l’endormissement.
- Qu’est ce qui t’arrive alors ? Il s’installe sur le bord du lit, et lui remet les cheveux en place, histoire de voir son visage à moitié caché. Dis moi !
- J’entends un train, et ça m’empêche de dormir !! Un peu ronchonne, elle traîne cette fois sur le ir.
- Un train ma puce ? Mais il n’y a pas de train dans les environs. Peut être un bus, ou une mobylette dans la rue.
- Mais non, dit elle comme exaspérée (décidément il est bête mon grand père !). Dans mon oreiller, j’entends un train dans.. mon .. o-re-iller ! Les yeux grand ouverts appuient encore sur ses mots presque épelés.
Son grand père souris, et prend garde à ne pas avoir l’air de se moquer. Il se penche et pose son oreille sur le coussin.
Il fait mine de prêter l’oreille, et se redresse, le visage rassurant, et lui dit :
- Mais non, tu devais t’endormir et tu as rêvé, voilà ! Allez…. Il l’embrasse et ajoute : essaies de te rendormir, demain ta mère vient te chercher tôt pour l’école.
Il se lève, puis l’embrasse encore, et quitte la chambre.
Poum poum…….. poum poum……. L’oreille écrasant son oreiller, Lili n’est pas folle. Plus elle l’entend distinctement, plus le train accélère. A la fin, elle se laisse bercer par les battements de son cœur, et s’endort.
« La nuit tomba comme chaque jour rapidement et tôt, le campement et le feu furent prés fin d’après midi. Situé à un cinquantaine de mètre sur le chemin qu’il avaient tracé, le campement baignait dans le grondement des eaux divines.
Si certains avaient du mal à trouver le sommeil, malgré la fatigue cumulée, ce fut à cause du tonnerre continu. Mais pour d’autre, ce fut le regard ressenti sur leur nuque qui les fit rester éveillés.
Mais tous, à un moment ou à un autre, furent rattrapés par le sommeil.
- Docteur… Docteur ! Zizi vint réveiller le chef de l’expédition juste avant le lever du soleil. Il manque les machettes et nos provisions ! Crie t il affolé. On n’a plus de nourriture !
Aussitôt levé, il constata par lui même les faits.
- Sally ? Cria t-il, où est Sally ? Il demanda au second porteur ayant voulu le suivre la veille s’il l’avait vu quitter le camp.
- Je ne sais pas pourquoi il ne m’a pas dit qu’il avait l’intention de partir. Je l’aurai suivi, il le savait !
Et comme un appel au fond de lui, discrètement, il appela « Sally…. ? »
Apres avoir organisé deux équipes, une pour remonter le chemin créé la veille, une autre pour se rendre aux chutes, ils se séparèrent, à la recherche de Sally… et de leur équipement manquant.
Milieu d’après midi, le premier groupe retrouva l’équipe des chutes en haut de celle ci.
- Le chemin pour descendre est praticable sans effort particulier, il a dut être tracé par les habitants des environs. affirma Zizi.
Le Docteur confirma ; au grand dam des porteurs restants.
Un appel, plutôt un cri, alerta la troupe. Le binôme de Sally hurlant avoir retrouvé Sally, il revint pour tirer le Docteur vers un rocher à nu. De là, il montra le corps, nu, de son ami.
- Es tu sur que ce soit lui ? demanda Zizi, d’ici il est difficile de voir si c’est vraiment lui ou non !
Lunette à l’œil, Dussollier confirma. Le corps déshabillé était allongé sur le dos, sur un rocher à fleur d’eau.
- On doit aller le chercher Docteur, on ne peut pas le laisser comme ça !
Mais descendre serait trop long et dangereux. Pour le moment, il devaient trouver de quoi manger. Perdre un homme et leur moyen de tracer leur route le même jour était déjà beaucoup. Le Dr. Dussollier décida que son équipe devait se reposer. Un dernier regard tourné vers Sally, mais le corps avait disparu.
- Le courant, ou un crocodile l’aura déplacé. Maintenant on ne peut vraiment plus rien pour lui. le ton de Zizi n’était pas fataliste, mais raisonnable.
Le camp fut gardé à tour de rôle deux par deux, histoire de prévenir toute fuite éventuelle. Mais au matin suivant, le binôme de garde avait disparu.
On ne trouva pas trace d’eux cette fois ci.
L’équipe du Docteur Dussollier se trouva à présent sans nourriture, sans armes et diminuée d’un tiers.
- Rebrousser chemin tout de suite serait du suicide, il faut s’organiser, conseilla Zizi. Le Docteur acquiesça.
Pendant le repas, au milieu du vacarme des chutes, personne ne dit mot.
Un porteur lance alors :
- Ton nom, en Sechuana, ça veut dire chef, non ? »
Et le binôme de Sally dut répondre par l’affirmative.
-« Mes ancêtres ont quittés le nord de la région pour éviter d’affronter les Kololos, mais moi je suis Tonga. »
- Pourquoi tu n’as pas suivi Sally, ton ami, quand il a décidé de partir ? Le ton du porteur avait monté d’un cran, il semblait accusateur. Tu es celui qui a trouvé son corps aussi ! Tu veux nous tuer parce que tu ne veux pas que l’on s’approche de tes terres…
- Ca suffit ! Lança Dussollier, il ne faut pas désolidariser le groupe. A présent, on recherche de quoi faire des provisions pour tenir quelques jours, et ce soir on reprend les tours de garde.
De retour au campement, seuls le Docteur avec Zizi, et le botaniste et son guide reparurent.
- C’est bien le dieu Nyami Nyami, j’en suis sur ! prononça tout bas ce dernier ! C’est pas naturel ces disparitions sans traces. On doit partir immédiatement ou on va tous mourir ici…
- Ou sont passés les deux porteurs ? Je n’aurais pas du les laisser partir ensemble, se blâma le Docteur, sans répondre au guide. Il a du leur arriver quelque chose. Il commence à faire noir, on ne peut pas partir comme ca. On va allumer un feu et commencer la garde.
Le botaniste commençait à s’agiter. L’aventure ne lui plaisait plus autant que lorsque le Docteur Dussollier lui avait demandé de l’accompagner en terre africaine. Maintenant l’histoire des tribus croyant en Nyami Nyami, le dieu de la rivière ne le faisait plus sourire.
Endormis lors de leur tour de garde, Zizi réveilla le botaniste.
- Le Docteur a disparu à son tour, qu’allons nous faire monsieur ?
- On va rester éveillé jusqu’au matin, et partir sur nos traces. On ne reste pas une nuit de plus sur ce territoire de malheur ! Lui répondit le chercheur apeuré, et qu’en est il du guide ?
Seuls Zizi et lui formaient l’équipe à présent. Pour ne pas sombrer dans le sommeil, le botaniste se mit à lire le carnet du Docteur.
-« Faire suite à Livingstone n’est pas mince affaire. Pour devenir elle même une légende, mon équipe devra faire mieux que la sienne. Ainsi, nous partirons avec le strict minimum, quitte à ne pas revenir... Pour mon épitaphe, je refuse de voir « Décédé de la malaria », je me dois de mourir plus glorieusement... La fable du dieu créateur et nourrisseur des indigènes semble être à la hauteur des histoires attendues en Europe… »
Un bruit cinglant sorti du tonnerre présent. Le botaniste se retourna, et vit Zizi adossé à son arbre, les yeux grands ouverts, la bouche béante. Avec un autre trou à présent visible sur son visage.
- Désolé André, lui dit le docteur une machette à la main, j’ai oublié mon carnet ! »
- Hé bien, si c’est ça l’aventure, je suis aussi bien à rester à la maison à boire mon thé, se dit le grand père de Lili. Ha, l’aventure, continue t il à penser, il n’y a que ça de vrai. Les voyages ça forme la jeunesse…
Sorti de son histoire, le grand père retrouve l’usage de l’audition, et perçoit légèrement la musique de son voisin.
- Au moins, en voilà un qui a bon goût, il se met à rire en sourdine, tout seul dans la pièce, et se lève du rocking chair pour aller se coucher dans son lit.
- Bon, il est temps qu’on s’en aille. Mets ton gilet et dis au revoir à ton grand père.
- Mais maman… proteste la petite avec un recul de l’épaule, les sourcils froncés, y fait pas froid dehors !
- Non, mais écoute la me parler ! Tu mets ton gilet un point c’est tout. Au revoir papa, on se voit dans la semaine. Ho ! et j’ai encore croisé ton squatter en montant, le syndic ne fait vraiment rien ici.
- Mais ? De quoi elle se mêle ta mère ? Le sourire aux lèvres du grand père appela aux baisers de sa petite fille, il pausa un genou au sol et cueilli Lilie dans ses bras. Puis, en se relevant :
- Il me semble que ce petit me dit quelque chose, ce doit être un gamin du quartier. Le grand père aide sa petite fille à s’habiller, tout en continuant : Il a peut être eu des difficultés, mais il ne m’a pas l’air d’être un mauvais garçon. L’appartement de Sapardi est inoccupé depuis deux ans, alors qu’est ce que ça peut bien te faire ma grande ?
Ca, en l’appelant ma grande, il savait que ça n’allait pas lui plaire. Du coup, les deux filles s’habillent et quittent l’appartement, en laissant le vieil homme.
Seul, dans son appartement du cinquième étage d’un immeuble parisien, Yves se remet de l’eau à chauffer, puis s’installe à la fenêtre, histoire de faire signe à sa petite fille.
Accoudé à la rambarde de sa fenêtre, il attend que les filles sortent de l’immeuble. Il ferme les yeux un moment, et profite de la petite brise de printemps. Il fait abstraction des bruits de la circulation -de la faible circulation- de son quartier, car en bas de chez lui, seuls des automobilistes cherchant à se garer empruntent la rue à sens unique de dessous sa fenêtre.
En ouvrant les yeux, il peut voir ces promeneurs, qui vont et qui viennent à La pétanque, le café de la place ; à la boulangerie, celle où il évite d’aller car il trouve l’accueil et le pain loin de ce qu’il peut attendre d’une bonne boulangerie. Il regarde aussi ceux qui restent assis sur un des bancs de devant l’Emir, ce bar à Chicha où il aime par contre bien se rendre de temps en temps; ceux qui discutent sur les marchent de l’église…
- Papi ! Papi, regarde moi ! comme un appel au secours, Lilie crie après son grand père.
D’un geste de la main, il envoie un baiser à chacune. A sa fille qui tente d’avancer, et à sa petite fille, qui tente de résister et rester sous les fenêtres de son papi.
- Haa, sacrée petite, elle en fait voir à sa mère, comme elle, elle nous en a fait voir ! se dit il avec un sourire mélancolique. Ses deux enfants ayant disparues au coin de la rue, reprenant le boulevard de Ménilmontant, il abandonne la fenêtre pour son fauteuil. Il va réutiliser pour la quatrième fois le même sachet de Roiboos, son thé favoris, africain, et se remettre à son magazine.
- Enfin tranquille ! Léger mensonge qu’il se dit en s’installant, je vais pouvoir me reposer un peu.
Il s’isole de son jeune voisin du dessus - il aime faire partager sa musique, celui là - en fermant à présent sa porte fenêtre.
Entouré de nombreux pots, les plantes foisonnent chez lui, entre un pot de XXX et un pot de XXX, il choisit un vinyle dans la centaine de sa collection.
- Ethiopiques. Ca, c’était quelque chose. Regardez ce qu’est devenu ce magnifique pays. Il prend le disque, l’installe sur la platine, et y place le diamant.
- Yègellé Tezeta, de Mulatu Astatqé !
Il se réinstalle dans la même position, sur son rocking chair. Et les yeux fermés, il se balance.
- Ha, soupire t il, ce que ça fait du bien ! Il prononce cette phrase à voix haute, et lentement. Tout laisse à croire qu’il déguste !
Il se rappelle alors ses voyages, qui n’ont pas été si tragiques heureusement. Et il sourit. C’était le bon temps, comme on dit. C’était il y a longtemps, et ca fait pas mal de temps qu’il n’a plus mis son sac sur le dos. Il se dit que c’est une autre vie qu’il a eu, depuis. Que maintenant il a une famille, et que ça aussi, ça a été une aventure. Mais, la nostalgie est présente.
Alors il se lève, et repousse son fauteuil, jète un oeil par la fenêtre, machinalement. Il prend une boite à chaussure installée en haut de l’étagère, en face de lui, sur laquelle est marqué «1974 ».
- Derniers voyages en Afrique! Il se remémore alors...
Le disque s’arrête, et il n’en a pas entendu la moitié. Il décide d’aller faire un tour, le soleil n’est pas couché, et lui non plus !
- Je vais pas m’endormir sur ces souvenirs ! Une petite laine et oust!
Monnaie en poche, il décide d’aller s’acheter quelques pommes et faire une tarte pour sa petite fille. Son maraîcher de prédilection est fermé, quel idiot. Il se rend donc à celui qui se trouve proche du métro, il aura fait un petit détour et voilà tout.
- Bonjour, bonjour Madame, comment allez vous ? Il s’adresse à la nouvelle maman qu’il croise régulièrement chez leur vendeurs de légumes préféré.
Cette brave dame que l’on devine ayant eu la silhouette fine avant sa grossesse, est chaudement vêtue d’une fausse fourrure rose, et des chaussures assortie. Elle est magnifique !
- Bonjour Monsieur, lui répond elle un peu timidement, l’air fatigué. On rentre de la maternité, on a fait le check up de la première semaine.
- Ha oui, et c’est le papa que je vois dehors ? Je peux lui dire bonjour ? Et voir combien votre bébé est beau.
C’est un beau bébé effectivement, bien vivant, criant comme tout les bébés. Plein d’énergie. Mais il est né ce pauvre enfant avec une petite tare génétique : il lui manque ses deux oreilles. D’après les médecins qu’ont pu rencontrés les parents, cela n’affecte en rien son audition. Comme c’est un garçon, c’est le père qui semble être le plus désolé.
Le papa, justement, attend avec la nouvelle grand-mère, qui voyant discuter sa fille avec ce bonhomme qui à l’air de venir les rejoindre, s’adresse à son gendre :
- Si celui la aussi, il fait une réflexion sur ses oreilles, comme tous les autres, je vous préviens.. je vous préviens que je lui enfonce un poireau dans la …
- Bonjour Madame ! Alors comment allez vous, s’adresse t il au gendre, pas trop dur d’être père d’un petit d’une semaine ?
Ce nouveau papa a lui aussi l’air extenué. Et l’air d’un chien battu également. Peut être cela va t il de paire ?
Il se penche vers le couffin, et s’approche, l’air attendri. Il le regarde, regarde son père, et le regarde de nouveau. A ce moment, la maman sort du magasin et les rejoins. Elle jette un regard inquiet à sa mère, qui ne semble pas ravi d’exposer son petit fils comme ça !
- Dites moi, il se relève, et regarde les parents. Dites moi… (angoisse chez le père qui imagine sa belle maman s’évanouir, la voyant placer son boa en vraie fourrure devant la bouche pour s’empecher de dire mot), dites moi, j’espère qu’il n’aura pas de problèmes de vue comme ses parents.
A ces mots, le père pousse du doigts ses lunettes pour les remonter. Sa femme le questionne :
- Pourquoi demandez vous ça ? l’air souriant, rassurée de ne pas entendre parler du manque d’oreilles de son fils.
- Et bien, s’il devait en avoir, ce serait difficile pour lui de porter des lunettes, non ?
A ces mots, la fille et son mari se tournent tous deux vers la grand mère qu’ils n’entendent pas protester. C’est qu’elle a la moitié de son châle en poils dans la bouche. Rouge de fureur, ou de manque d’air, elle manque de l’avaler après avoir prit une de ces inspirations de quand l’on se prépare à plonger en apnée. Elle, c’aurait été pour incendier ce bon vieux Yves.
Il préfère laisser la famille seule se dépatouiller avec cette tentative de suicide qui espérons le réussira.
Maintenant, c’est sur, plus jamais cette famille ne lui fera de signe de tête en le croisant. Lui qui pensait ne pas être curieux en leur demandant ça.
-Il est des gens d’un susceptible, pense t il.
Apres avoir réglé ses pommes, il s’en retourne chez lui, et pense commencer sa tarte le lendemain matin, pour accueillir sa petite chérie à midi.
Déchaussé, le tricot remit au porte manteau, il se dit qu’il aurait du passer à la supérette acheter la pâte feuilletée qui lui manque.
Il est quitte pour redescendre.
II
PARIS
Comme tous les jours, à la même heure, chante le merle du Marronnier, au pied de l’église Saint Julien de la Croix. Les insomniaques ou les lèves tôt peuvent apprécier son appel destiné à d’autres merles, mais qui profite aussi à ceux qui aiment l’écouter. A la même heure, comme tous les jours de cette saison, un peu avant le lever du soleil, les fenêtres du quatrième étage directement ouvertes sur l’oiseau noir au bec doré, permettent à celui qui est allongé en dessous de jouir au mieux du spectacle. La nuit printanière laisse aussi monter intact le parfum des fleurs de cet autre arbre, un églantier, éloigné de quelques dizaines de pas du parvis de l’église. Tous les sens sont à présent ravis. La nuit est encore noire, bien qu’elle commence à s’éclaircir.
L’oiseau reste immobile durant des heures à crier à qui peux l’entendre qu il est le maître de cet environnement.
Comme d’habitude la journée commence par ce régal, enchantée par sa présence
La lune est au dernier croissant. Demain elle sera invisible de tous. Un peu de nuages, mais pas assez pour empêcher de voir certaines étoiles.
Au comble du bonheur pour les amoureux de la nature, le clapotis de l’eau se mélange au bruit du vent dans les branches qui supportent le chanteur du matin. Une petite fontaine des années 1920 est toujours en fonctionnement. Seul le silence de la nuit lui permet de se faire entendre, petit luxe de cette place du XXème arrondissement parisien.
L’heure du chant du merle est également l’heure pour le boulanger de se mettre au pétrin. La porte réservé au maître boulanger et à son apprenti reste ouverte, et le travail de ses hommes permet de donner tout le courage du monde à qui se trouve quelque excuse pour éviter sa propre besogne.
Les fenêtres ouvertes du studio laissent à leur tour échapper une musique. Cœur tzigane, violon et piano.
Apres une heure à avoir, allongé et immobile, regardé travailler les deux hommes dans la farine, comme d’accoutumé, il est temps pour celui qui loge au quatrième d’aller chercher un des premiers pains de la journée. Un petit euro, monnaie locale, suffira pour le petit déjeuner.
La boulangerie n’est pas officiellement ouverte, mais on peut quand même venir retirer du pain, des croissants, des brioches directement à la porte restée ouverte du fournil. Deux sexagénaires levés pour on ne sait quelle raison se retrouvent comme tous les matins, au même endroit, et échangent les mêmes paroles..
- Salam alaykoum ! Le second grand père, ainsi que les deux boulangers lui répondent machinalement « Alaykoum Salam ! ».
- Comment ça va ce matin ?
- Ca va, ça va grâce à Dieu. Et toi, comment tu vas ?
- Ca va. Ca va. Et ta femme ça va ?
- Al amdulilla elle est toujours en vie hé hé hé … Elle ne veux décidément pas me laisser en paix le peu de temps qu’il me reste ici bas.
- Al amdulilla, profites en bien. Moi je suis bien seul sans mes femmes tu sais. Je suis tout seul maintenant, la famille elle est restée au pays, alors je suis tout seul ici. Mais j’ai mes habitudes alors…
- Tu as des nouvelles de tes filles, elle te disent comment ça se passe pour elles ? Elles te téléphonent…
Pas le temps de s’éterniser à écouter leur conversation qu’ils ressassent sans fin.
Il est encore un peu tôt dans le quartier de l’est parisien, mais déjà quelques coureurs en costumes sont sur la piste. Quelques écoliers, mal réveillés eux aussi, sont prêt à affronter une longue journée loin de leur famille. Le buraliste ouvre son bar. Installe quelques chaises et tables devant son office en fumant sa seconde cigarette. Et les premiers clients se font voir. Café clope pour certains. Un ballon pour d’autres, déjà.
Les premières lueurs du soleil tapant directement dans cette petite pièce du quatrième, il y fait vite assez chaud. La lumière dévoile une pièce relativement cosy. Le matelas posé à même le sol sous la fenêtre prend la moitié de l’espace. On peut aussi jugé que le locataire est assez simpliste et ne s’embarrasse d’aucun objet futile. Rien n’est décoratif, tout n’est qu'indispensable. Comme le miroir dans la salle de bain devant lequel il passe un certain temps chaque matin à dompter ses cheveux frisés, tendant vers le blond.
Il est temps pour lui de se préparer à sortir, le travail ne vient pas sonner à la porte. Il revêt un superbe costume. Col court, mode Mao. Un modèle venant d’un couturier d’une grande maison. Une véritable fortune sur le dos. Il le porte en effet assez bien d’ailleurs, on le croirait fait sur mesure. Et en effet ce sont les manches et les bas du pantalon qui ont étés retouchés avec soin. Taille 42 pour un mètre soixante dix, forcement. Chaussures blanches, petite mallette de cuir. Le parfait golden boy.
Paré pour une dure journée, Winnie s’apprête à sortir quand son portable se met à sonner.
- Hey, salut Don Juan, comment ça va ce matin ? Lui demande une voix familière.
- Ca va, j’allais partir ! du coup, il s’assied sur un coussin, par terre.
- Ha ouais, au bureau ? Son ami laisse entendre un petit rire, et continue : moi j’allais me coucher. Je t’appelle avant que tu ne prévoies autre chose. J’ai un plan pour ce soir, j’organise un petit pique nique pas très loin de chez nous. Alors prévois une petite laine, une bouteille ou deux, et de quoi boucher nos dents creuses. Ca le fait ?
- Noté ! J’espère que ce ne sera pas une soirée que entre mecs ? lui demande Winnie.
- T’inquiètes, ma nana a invitée une de ses copines. Elle est un peu prout-prout mais tu n’es pas regardant la dessus ! Il rigole encore.
- Non, c’est sur. Attends attends, je change d’oreille.
- Non, j’avais fini. Allez mon Winnie, bon courage pour la journée. Fais attention où tu poses tes mains !!
- T’inquiètes, je suis un vrai pianiste ! Il se lève, en soupirant. Et je connais la musique…
- Salut Winnie, à ce soir.
- Bise, finit Winnie en appuyant sur la touche rouge de son portable.
- Aujourd’hui, se dit il à voix haute, faut que ca pulse !
Dernier passage devant le miroir et il ouvre sa porte. Il entre dans la course dès la porte de l’immeuble claquée derrière lui. Sur le trottoir, la journée commence.
Il fait suffisamment jour à présent pour que s’éteignent les éclairages publique. Il regarde passer un chat qui traverse la place et qui prend la même direction que lui. Il décide de le suivre à sa cadence. La place Maurice Chevalier traversée, il le suit dans la rue Etienne Dolet et abandonne derrière lui l’odeur des chichas de l’Emir. D’un pas léger, le chat prend son temps pour sentir ici et là ce qu’il y sûrement de bon à sentir pour un chat : les roues des vélos attachés ensembles à la grille de l’école pour garçons, devenue mixte depuis les années soixante dix ; les cartons posés devant la boutiques du cordonnier, qui vient encore de se faire tagger sa porte ; puis les poubelles du boucher chinois. Le pauvre chat ne s’y attarde pas, les poubelles sont toujours propres ici. Quand le chat traverse, Winnie traverse derrière lui. Ils rencontrent plus de monde qu’il n’y voyait de sa fenêtre il y a une heure de ça. La plupart de cette petite foule va gagner, à la fin de cette course, le salaire d’une journée. Les moins de soixante ans ont tous un casque sur les oreilles, certains ont un sac à dos, porté avec une seule bretelle car plus à la mode, certain un sac en bandoulière, d’autre tirent une petite valise sur roulettes.
Rue de belleville. Mistigri se dirige à présent vers Couronnes, lui vers Ménilmontant, leur route se sépare donc devant le primeur, qui lui aussi commence son labeur et sa semaine, décharge ses fruits, les trie, les met en rayon. Le chat s’arrête une fois encore. Cette fois c’est devant un café rénové, il s’assied en face de la terrasse, puis se lave le derrière. Lance un dernier regard vers cet anachroniste bar qui se veut à la mode et qui lui fait regretter l’ambiance du quartier d’avant, comme ses poubelles, puis s’en va de son coté.
- Il fait trop neuf ! se dit justement Winnie. Il tourne le dos au café comme au chat, et se retrouve en direction de l’entrée du métro.
Deux routes à traverser, des autos, des vélos, des scooters et des bus à éviter. Sur le trottoir : des piétons trop emportés par leur course, des poussettes ou des poubelles à ne pas percuter. Et voilà l’entrée du monstre métropolitain. Les quelques marches descendues, le voici pénétrer dans un autre monde.
Embarqué par la foule, il ne peut que la suivre jusqu’au lieu de transit obligé, le quai. Comme tous les jours, déjà les touristes sont mis en garde contre les pick-pockets. Et aujourd’hui comme tous les jours, Winnie sourit en entendant cette annonce. Le premier train laissé aux officionados de la poussette, il peut bien attendre deux minutes pour le prochain. Quelques minutes dans cette rame, et le voilà à descendre pour un changement qui l’emmène sur son lieu de travail.
Maintenant qu’il est dans les couloirs en direction de la ligne jaune vers la Défense, il peut voir sur les murs, entre deux publicités pour du soleil à prix discount et un crédit encore plus avantageux, scandés quelques hymnes à l’amour. Messages personnels ou non, de rébellion parfois, accusant bien souvent un système dans lequel on semble vivoter, ces messages ne proposent pas trop de solutions concrètes. Mais lui en tout cas, ça n’a pas l’air de lui poser de problème, il sait s’y retrouver et ne se plaint pas. Et celle qui tient le plus à cœur, c’est « Le partage, c’est l’avenir de l’humanité ! Ne soyez pas égoïste ! » Ca, Winnie approuve à cent pour cent.
Ne voilà pas cinq minutes qu’il est monté dans cette voiture, une belle brochette de parisiens autour de lui, que des musiciens entrent dans la même. Comme d’habitude, Winnie doit être un des seuls à reconnaître leur talent. Les roumains sont comme toujours ceux qui sont pris comme bouques émissaires. Les personnes autours leur jettent rapidement des regards de dédain, ou détournent les yeux en serrant plus fort leurs sacs à leur approche. Il n’hésite pas quand à lui, en connaissance de cause, à leur faire un signe de la tête avec un grand sourire.
Une petite à la peau mate joue du grelot en chantant, et accompagne surtout un excellent guitariste, encore plus mate qu’elle. Leur chanson est inconnue mais plait énormément à Winnie. Au moment où la petite passe pour remercier les bons cœurs de leur aide, une dame s’aperçoit être délestée de son porte-feuille se trouvant dans son sac. Pas de témoins, mais les présomptions sont fortes. L’ambiance s’échauffe et très vite le ton monte lui aussi. Certains hommes veulent en passer aux mains, la petite qui doit avoir juste la douzaine ne se laisse pas faire et refuse de se laisser retenir de force. Le guitariste jusque là très placide commence à en souffrir. Il voit vite rouge et hausse le ton à son tour. Winnie décide de s’éloigner du groupe qui se forme, très peu pour lui de jouer les héros. Derrière la vitre de la voiture où il est resté, il se permet de sourire en regardant l’agitation qui naît à présent sur le quai où sont descendu les principaux acteurs de la scène. Un clin d’œil accompagne son sourire pour la petite et le train s’en va. Station Hôtel de Ville. Winnie descend de voiture et remonte dans celle qui la précède. C’est là que viennent de monter quatre joueurs d’instruments à vent. Winnie se prépare à passer une bonne journée. En se débrouillant bien, vu le nombre de joueurs, et en espérant qu’ils se séparent pour tendre leur gobelet à monnaie, il est possible de faire d’une pierre deux coups. En avant la musique.
Trois stations et les joueurs gonflent de plus belle leurs joues. Winnie en se rapprochant d’eux, en trébuche et se rattrape à une jeune et jolie cadre. Du moins c’est ce qu’elle à l’air. Le teint frais, elle s’est levée à l’aube pour se préparer, laver ses cheveux, y placer exactement comme elle le voulait cette belle broche bleu, rappelant la couleur de son chemisier, léger, sous un costume très classique, mais qui lui va à ravir. Un sourire interrogateur. Peut être nous connaissons nous ? La demoiselle comprend son jeu, mais n’y rentre pas et fait signe de ne pas comprendre, remet lentement son oreillette en lui souriant poliment. Winnie continue son chemin jusqu’à la porte du fond. Un homme assez corpulent est là sur sa route, une tape amicale sur l’épaule et un grand sourire lui signalent son désire de se rapprocher de la sortie lorsque le train repart. Un seul regard, ennuyé, lui sera rendu. Sans s’en être offusqué, il lui ressert le même regard agréable et son sourire enjôleur. Mais rien en retour.
- Merci infiniment, en tout cas. lui dit Winnie en passant de justesse entre la personne assise et ce sourire ambulant, ravis de commencer sa journée si tôt.
Seuls deux joueurs restent à côté de la boite à rythme. Leurs partenaires se repartissent la quête. La jeune et fraîche jeune fille à la broche bleu est une victime de plus de ces manouches. Esclandre ! Concorde, Winnie décide de descendre et de se perdre dans les changements. La ligne huit ? La douze ?
Allez, il prend la ligne verte, la douze, et va jusque Sèvres-Babylone. Là, pour éviter de trop stresser, il sort du métro, et choisit de se rendre jusque Saint Germain des prés, à pied.
Il se rend compte combien les filles sont jolies aujourd’hui. Le quartier est plein d’étudiants ravis à l’approche des vacances. Si les filles sont toutes belles, ça ne veux pas dire qu’elles sont toutes à son goût.
L’été est là et il se sent en veine. La journée commence vraiment très bien.
Il pousse sa promenade jusque à un café, qui n’a rien d’extraordinaire en lui même, si ce n’est qu’il a une terrasse en recul de la route, dans une petite galerie piétonne, juste après rue de l’éperon.
Mais son choix repose surtout sur le fait que le voisin directe de ce comptoir est maître chocolatier. Rien de mieux qu’un morceau de chocolat avec son café. Winnie, qui ne peut être que la clientèle recherchée par ce genre de magasin, entre avec un franc sourire aux lèvres. L’accueil, en retour, est à la hauteur du standing du magasin.
Tout ce luxe qui déborde. Des fontaines de chocolat, une odeur que l’on aimerait garder sur soi indéfiniment. Winnie prend son temps et se permet de goûter un certain nombre d’échantillons. Il se décide pour un modèle de rocher aux amandes et oranges confites.
Une pièce achetée, seulement, suffira pour accompagner son allongé.
De l’autre côté de la route, il aperçoit une vingtaine de reflex et appareils photos en tous genres autour de cous de touristes asiatiques, allant dans la direction de Notre Dame. Voila une opportunité à ne pas laisser passer.
Winnie décide de suivre ce troupeau de touristes du trottoir d’en face, il sais qu’ils auront à traverser un moment ou à un autre puisqu’ils se rendent certainement à la cathédrale.
Chaque occasion est bonne pour prendre une photo pour ces tireurs d’élites. Certains mitraillent avec leur bridge caméra en faisant chauffer leur zoom, d’autres se contentent de prendre une photo, une seule, de leur modèle. Modèle qui change chaque minute. L’entrée du cinéma d’Odéon, la statue de dont le nom leur importe peu, le mur de l’école de médecine, l’entrée de la FNAC, l’entrée du métro Cluny. Bref, n’importe quoi !
Winnie, après les avoir observé assez longtemps, prend de l’avance, et tombe sur une femme d’une cinquantaine d’année, assis sur un carton, place Louis Lépine. Elle compte sur le bon cœur des passant pour l’aider à avoir un repas de plus.
- Bonjour madame, lui dit il en s’accroupissant, afin de lui parler à hauteur d’yeux. Je ne suis pas très riche non plus, mais aujourd’hui j’ai eu un peu plus de chance que d’habitude.
Avec un regard interrogateur, la femme assise par terre lui répond d’un bonjour méfiant.
- Je suis tout seul pour la journée, et je n’ai pas pris de petit déjeuner. Vous voulez que l’on en partage un ? Je connais un café pas trop cher, je vous invite !
D’abord réfractaire, la femme finit par accepter l’invitation du jeune homme qui paraît de bonne famille.
- C’est pas tous les jours que quelqu’un se penche pour vous parler quand on fait la manche, tu sais. Tu as vécu dehors toi aussi?
- Non, j’ai eu de la chance, c’est tout. Il se relève, et motive son invitée à le suivre, hop hop, on y va ! C’est le moment, j’ai faim. Il finit avec un petit rire, et prend le sac de cette dame qui se lève, elle, avec un peu de mal.
- Dormir dehors ça n’arrange pas nos articulations. Dit elle avec un rire forcé.
Malgré ses nuits dans la rue, avec un port de tête différent, il serait difficile de penser que cet dame encore jeune puisse être seule, abandonnée, sans logis, à dormir dans la rue. Son hygiène difficile à entretenir la trahit cependant.
Traversant le Pont Notre Dame, ils arrivent sur le parvis de la cathédrale, et se retrouvent au milieu de bon nombres de touristes, dont la vingtaine de chinois, ou japonais, allez savoir, qui mitraillent le bâtiment du quatrième arrondissement.
- On va jouer des épaules pour se faire un petit passage à travers ces touristes ! Ne me lâche pas d’une semelle ! Dit il en la tutoyant cette fois ! Mais Winnie, bousculant un peu deux ou trois Nikonistes, accélère le pas. Si tout les deux se fraient un passage au milieu de la foule, c’est plus naturellement cette femme qui retient l’attention quand un sac se voit disparaître du bras d’une touriste. Winnie ne se gêne pas pour faire un petit tour de plus au sein de la foule, pour ainsi abandonner son invitée aux mains de deux molosses mécontent de cet accueil français.
- Aux innocents les mains pleines, se dit il, il vont bien finir par voir qu’elle n’y est pour rien !! et Winnie prend la rue Cloître de Notre Dame, et laisse derrière lui le pauvre bouque-émissaire se dépêtrer dans une nouvelle agitation.
- Les clodos, c’est encore mieux que les manouches ! rigole t il sous cape, on pourrait leur piquer leurs sacs les yeux dans les yeux à ces touristes, qu’ils penseraient encore que c’est le mec qui dort par terre le coupable ! Quels crétins !
Maintenant, c’est sur, Winnie a son compte. Deux sacs avec les économies de leurs vacances, et un bel appareil photo tout neuf, voilà qui fait son affaire.
Il évite la rue Chanoinesse, pour ne pas tenter le diable en passant devant la brigade de motards de la police. Il pense rejoindre la rive ouest par les ponts Saint-Louis et Louis-Philippe, puis rentrer à pied jusque chez lui. Régulièrement, il change sa mallette de côté, même si elle n’est pas trés lourde. Les trois du métro ne mégotaient pas quand à remplir leur portefeuille, mais quand même! Répartition de la charge, selon lui, pour partager l’effort sur sa colonne vertébrale!!
Il fait bon, et son moral est également au beau fixe.
- C’est quand même une belle ville Paris ! songe t-il.
Et le voilà à traverser la moitié de la ville pour rejoindre son quartier du vingtième, comme un vrai gavroche.
III
AU COIN DU FEU: ROBERTINO ET ABDURAZAK
Le feu crépite, autour duquel quelques visages se retrouvent tantôt éclairés par les flammes, tantôt dans l’ombre. Chacun communique à voix basse, chacun sait la fragilité de cette réunion. Il fait frais, et le feu caresse gentiment les visages et les mains, il invite à rester parmi les convives. Le vin donne un peu chaleur intérieure, et démotive des efforts physiques. Allongé, les étoiles sont alors quelques fois visibles entre les épaisses branches, lorsque celles ci dansent avec le vent. Au milieu d’un bois privé, quelques squatters se sont donné le mot pour un dîner aux chandelles. Squatters romantiques profitant de l’absentéisme du propriétaire, rue des Envierges, pour veiller sur les lieux.. Heureux vivant, sachant profiter des opportunités que leur offre parfois la vie.
Ce soir, après avoir traversé une cour intérieure, au milieu de quelques petits immeubles particuliers, puis longé le bref parking privé de ces mêmes propriétaires, le bois est apparu aux audacieux festifs. Inutilisée, cette petite partie privée est amenée un jour à disparaître pour finir en garage à vélo, ou pour agrandir le parking. Une fin plus utile, et plus rentable. Cependant, aujourd’hui, elle abrite secrètement une coalition de marginaux, qui eux, apprécient à sa juste valeur la nature de ce lieu. Le bruissement des branches où les feuilles commencent à renaître, mû par le vent, ajoute de l’éloignement au camp. Le craquement des brindilles, au passage du chat, ou du lapin, les oiseaux de nuit, le passage de quelque chauve-souris. L’isolement est total. Coupé ici du bruit de la circulation par un haut mur de pierre et par les arbres, éloignés de tout et de tous. Mais également pris au piège s’ils devaient se faire remarquer, vigilance est le mot d’ordre. Silence.
Ils se sont retrouvés derrière le bâtiment sans fenêtres directes, au fond du bois, derrière l’ancienne cabane de jardin. Seul un petit feu, isolé de la vue d’un éventuel rôdeur du quartier, est permis. Lui aussi donne le ton avec son crépitement.
Quelques uns se connaissent, mais pas tous. Antoine, qui est à l’origine de cette soirée ne connaît pas lui-même tout ceux qui sont réunis, bien qu’ils ne soient pas si nombreux. Il n’est jamais de bons plans qui ne viennent de lui. Son grand copain, Samuel, qui aime se faire appeler Samurai est forcement de la partie. Petit, pas beaucoup de viande sur le dos, toujours à s’agiter, à aller ici et là, un peu trop nerveux pour inspirer confiance de prime abord, mais qui se révèle être un fidèle ami pour qui sait lui faire confiance. Un jolie demoiselle, compagne du moment d’Antoine qui sait toujours s’entourer de très jolies filles, toujours souriantes, épanouies. Sa muse ce soir est une étudiante en dessin, Prairie.
Un jeune homme et une autre jeune fille, que Winnie ne connaît pas non plus, se sont joint au groupe. Peut être eux même ne se connaissent ils que de ce soir, car la jeune fille reste assez discrète, et n’échange que quelques mots avec son voisin, qui quand à lui, prend part volontiers à la conversation.
L’été approchant, le thème des exclusions vient évidemment dans la conversation. La fin du printemps autorise de nouveau les propriétaires à faire sortir par la force si besoin, les occupant illicites des appartement non loués. Winnie ne sait alors pas combien de temps il pourrait lui rester avant de se voir se faire jeter par la fenêtre.
Cet inconnu qui a tendance à déplaire à Winnie, s’appelle Robertino. Un peu trop extraverti pour lui, il est également beau parleur et se rapprocherait un peu trop de sa voisine, dont Winnie avait l’air de s’intéresser aussi. Le sujet à présent tourne autour de la liberté et des voyages dont certains sont friands. Ayant trouvé un point commun avec celle-ci, Robertino étale devant tout le monde son passé de globe trotter.
- Tu connais le Maroc ? Chouette pays hein ? Moi, j’y suis resté six mois. Ouais, c’est facile là bas, ils sont pauvres, alors quand tu y vas avec tes euros, tu peux vivre comme un prince.
- La pauvreté est toute relative, précise sa voisine, quand j’étais …
- Oui oui, tu sais le prix du pain, quel qu’il soit, te fais sortir tes billets, continue t il sans se soucier de ce que lui dit sa voisine, mais au bled tu sors un euro, et tu prends un super petit déj. Pain et thé, ou si tu préfère, un bol de lait ! il rigole en la regardant, fière de ce qu’il venait de dire, puis se tourne vers son autre voisin, Samuel, de qui il est le grand copain, puis continu :
- Et le shit de là bas il est pas comme celui là, c’est du super bon. Je suis resté pas mal de temps à Marrakech, tiens. J’avais un pote qui travaillait sur la place Jamaa al Fna, il bossait sur les stands de restauration. Il n’avait pas d’employeurs fixe, et chaque jour il devait se trouver un patron qui pourrait lui verser un salaire à la fin de son service, à une heure du matin.
Et il commence à leur raconter sa petite aventure marocaine.
Abdurazak, trente ans, vit grâce aux touristes qui viennent sur la place en soirée. Mais il ne vit que pour le sport, la boxe en particulier, et sa famille. Cinq jours par semaine, il entraîne les plus jeunes de son quartier, et bien entendu, cela sans demander quelqu’argent. En contrepartie il peut s ‘entraîner librement, et possède une clef de la salle de boxe. Il ne prétend pas être le meilleur boxeur du Maroc, mais il faut reconnaître qu’il a suffisamment l’œil rapide pour éviter pas mal de coups, et ainsi ses poings arrivent ils à faire mouche tout en étant lui même épargné.
Vivant avec ses parents dans le quartier Zitoun, pour ainsi dire sur la place Jamaa al Fna, il est avec son plus jeune frère le seul à rapporter de l’argent pour sa famille.
Driss, de sept ans son cadet, travail aussi sur la place. Du matin à la tombée du jour, il travail à l’entrée du souk, et vend des épices avec un vieil homme qui lui fait miroiter de lui revendre pour un rien sa boutique, et abuse ainsi de lui en le faisant travailler comme dix. Driss espère, et ses parents désespèrent de le voir se tuer à la tâche pour une poignée de dirhams. Mais il est cependant le fier travailleur de la famille, au grand damne de son frère.
Abdurazak est quand à lui fière d’aider avec le sport ces jeunes qui pourraient finir comme beaucoup d’autres adolescents dans la dépendance de la drogue.
Proche de la gare ferroviaire de Marrakech, chacun peut croiser ces plus jeunes, rendus amorphes, voir dangereux en certains états, qui se regroupent en bandes, et respirent colle, détergent ou tout autre produit toxique, dans l’espoir fugace d’une ivresse, d’une euphorie qui leur laisse si peu de chance dans la vie.
Abdurazak se suffirait de son boulot, et de cette vie, si ce n’était le fait que sa famille doive compter sur son frère et lui pour manger.
En fin de soirée, on commence à voir et à sentir une tout autre fumée que celle des poulets, bœufs ou légumes grillés sur les stands. Comme tout le monde se connaît dans ce petit monde, ils partagent un moment de détente en fumant un autre végétal que la nature leur offre.
L’odeur du hachisch est perceptible à bon nombre d’endroits. La police touristique, partout présente sur cette place, ne pause aucun problème à ces travailleurs. Evidement, aucun soucis ne leur est causé s’ils savent rester discret, et surtout si aucun trafique n’est remarqué. Bien mal leur en coûterait.
A une de ses tables, Abdurazak installe un jeune touriste, qui a l’air de connaître un peu le marocain.
Salutations, présentations sont faites en arabe dialectique.
Robertino demande ainsi :
- Brit tajine ou kess atei minfadlik. Chaukrane.
Son tajine et son verre de thé apportés, il entame la discussion avec le racoleur dont le travail est allégé, il est bientôt minuit et les touristes se font plus rares.
Se trouvant un point commun dans leur sport, il deviennent assez intime pour échanger leur numéro et partager, discrètement , une cigarette modifiée.
- Rien de tel pour digérer. Avec un thé à la menthe, que peut il y avoir de meilleur ? Hein Abdu ?
- Oui, je sais ! Je sais ! Lui répondit il.
Bon nombres de cafés marocains se retrouvent en fin de soirée chargés d’ouvriers, taxis et autres venus se détendre. Thé à la menthe et hachisch font partis de la culture marocaine. Abdurazak n’échappe pas à ce patrimoine historique. Le soir venu, ses amis et lui s’y retrouvent, après avoir débarrassé la place des tables, des bancs et des étals, dans un café.
Un soir où ce touriste revient au stand de son nouvel ami, après avoir essayé la pizza du chef, sorte de fourre tout au légumes et au bœuf sur lit de pâte à pain, il demande si un digestif lui serait accordé.
- Hé, il est un peu tôt pour ça. Tu peux revenir à une heure, je termine et on va voir des amis si tu veux… C’est à cette heure où l’on remballe !
- Je reviendrai si tu veux, oui. Mais je ne resterai pas longtemps. Je te dis a plus tard Abdu , bosse bien !
La soirée continue puis se termine comme à l’accoutumée pour les rameuteurs de son stand. Le patron est le premier à se préparer ce genre digestif dont parlait Robertino.
Revenu comme convenu, il partage ses derniers moments avec son nouvel ami, qui échappe ce soir à la corvée de nettoyage de leur stand. Ce soir, Abdurazak aura eu du boulot, il travaillé pour le stand numéro 90. C’est vrai que certains soirs, il n’y a pas assez de touristes sur la place pour lui offrir du travail.
Pour finir sa soirée, et avant que la place ne soit totalement déserte, il se dirige vers le « 44 », retrouver deux collègues avec qui il a pour coutume de terminer sa journée. Robertino le suit de près.
Ils se dirigent, un peu plus tard, vers le quartier Zitoun. Il lui montre la rue où se trouve la maison de ses parents. Il lui indique également un excellent hammam, où il a l’habitude de venir une ou deux fois par semaine.
Dans l’ancien quartier des juifs, partie de la médina assez peu fréquentée de nuit par les touristes car peu éclairée et formée de petites ruelles, Abdurazak fait découvrir à Robertino un petit café. Là encore, fréquenté uniquement par des locaux. Entrée forcement remarquée pour ce touriste.
Petit, avec une porte et des rideaux en fer de couleur vert, on peut être une petite douzaine si on se sert. Ce soir, six anciens jouent aux cartes, installés par terre, et une poignée de jeunes les regardent. Le patron place une table pour les deux nouveaux arrivés près de la porte, dans un coin.
Ils se trouvent face à un écran de télévision qui diffuse un film indien. Un DVD semble t il. Mais de la musique étouffe le faible bruit du téléviseur.
Ici, plus de thé. Mais le café instantané sera accompagné toutefois de ce que le patron délivre régulièrement à ceux qui viennent frapper à ses volets.
Pour le prix d’un café parisien, nos compères se retrouvent avec une belle pièce de hachisch, de la taille justement d’une pièce de dix dirhams. Enfin, d’une pièce de deux euros.
Leur verre de café, une cigarette éventrée, un briquet, et une part d’illégalité sur la table, voilà les seuls attributs visibles. Cela n’étonne personne dans cette pièce cloisonnée.
Seulement les yeux se tournent vers la porte, puis rapidement vers nos deux nouveaux amis, lorsque rentre alors un policier, képi vissé sur le crane.
Affolés plus qu’Abdurazak, les jeunes gens assis par terre lui lancent un regard d’alerte.
- Cache ça ! Cache ton morceau !!! semblent ils dire
- Pas de problème, je sais ! leur répond son sourire, un peu crispé cependant.
Les joueurs, eux, ne lèvent même pas le nez de leurs cartes.
Mais rien n’est comparable à ce que peut ressentir à ce moment Robertino. Fréquence cardiaque montant approximativement au double de ce qu’il était en quelques secondes. Sueurs froides. Heureusement qu’il fut assis.
Quand au policier en uniforme, un seul regard leur sera lancé, rapide, puis il leur tournera le dos, regardant l’écran de télévision.
Pour ne pas tenter le diable, Abdurazak cesse son travail, place le petit morceau de hachisch sous sa cuisse droite, et attend.
Il attend le moment enfin venu où le policier, sans leur jeter de nouveau un regard, sort du café après être resté là cinq longues minutes.
Robertino faillit s’évanouir, mais une sorte de joie se mêle à son restant de frayeur.
Il lui tarde de sortir de cet endroit, il s’attend à un guet-apens à sa sortie. Il ne veut même plus fumer, ne peut plus avaler son café.
Abdurazak quand à lui a reprit son petit travail, apparemment soulagé il faut le dire, qu’il n’y est pas eu de suite.
Les jeunes à leur côtés sont épatés par le sang froid de leur grand frère. Les plus anciens, continuent à jouer, inexorablement.
Au moment où Abdurazak ouvre sa boite d’allumettes, on frappe à la porte en métal. Le patron ouvre la porte, cette fois à un officier. Long manteau, casquette et plusieurs barrettes aux épaules. Il entre seul. Le premier policier attend sûrement à l’extérieur.
Sitôt entré, il connaît le chemin pour arriver face à leur table. Robertino se retient de vomir de peur. L’officier se penche vers son ami et lui dit quelque chose comme ça en mi-marocain, mi-français :
- Tu sais ce que tu risque à amener un touriste dans ce genre de lieu. Ca en vaut vraiment la peine tu crois ? Qu’est ce que tu crois que je devrais faire, vous emmener tout les deux en prison, ton nouvel ami et toi ?
- Oui, je sais je sais, mais ce n’est pas un touriste, lui répond Abdurazak, c’est un ami de la famille. Il connaît mon père, il vient pour me donner des conseils pour l’entraînement de boxe pour les jeunes du quartier. On ne vient pas faire de trafic, mais juste se détendre un peu ce soir.
Un regard suspicieux au français, les deux mains sur la table, l’officier se penche vers lui et s’apprête à lui dire quelque chose, quand le patron vient lui parler à l’oreille.
Se redressant, il regarde Abdurazak et lui lance une phrase d’un ton que seul son doigt pointé en sa direction aurait suffit à décrire. Menace.
Le patron apporte au policier un café, qui s’installe de l’autre côté de la porte. L’atmosphère se détend légèrement lorsque le patron s’approche et s’installe à la table de nos deux malheureux. Il demande alors à Abdurazak d’allumer son joint. Robertino ne comprend pas la situation et s’attend à coup fourré. Lui n’est pas du tout rassuré, ni détendu.
La conversation entamée tourne autour du cinéma, d’un film avec de l’action, où un policier se fait descendre par son partenaire, alors qu’il arrête justement un mafieux.
Le policier, l’officier marocain, demande à Robertino s’il connaît ce film.
Il tente de répondre en marocain :
- Je ne connais pas, désolé
Le policier sourit pour la première fois.
- Ha, tu parles l’arabe ? d’où est ce que tu viens ?
- Je suis Italien, mais je vis en France depuis mes onze ans.
Pendant ce temps où la conversation est des plus banales, le patron après avoir fumer un peu, tend son joins au policier. Il continu à parler à Robertino, en francais.
- C’est un vieux film, avec – il cite un acteur dont Robertino ne comprend pas le nom-, un film américain je crois !
Ses esprits évanouis, il ne sais que lui répondre qu’il ne connaît pas ce film, mais qu’il a envie de le voir maintenant.
Le policier se lève alors et s’approche de leur table. Il redonne le joint au patron en lui disant quelque chose en arabe. Le patron le garde, fume une fois dessus, et alors que le policier se rassied, il tend alors à Robertino l’objet du délit, sous les yeux des jeunes, transis alors qu’ils sont hors de l’affaire.
En parfait marocain, Robertino, en prenant cette cigarette hors la loi, dit :
- Lahifo ! (Dieu me pardonne !)
Le policier lui lance un regard malicieux, étonné. Robertino ne sais pas comment l’interpréter, et n’ose fumer qu’une fois avant de le retendre au patron.
Discussion calme, en arabe uniquement.
Cafés terminés, Abdurazak et Robertino sont prêt à se lever, les jambes peu sures.
- Reviens quand tu veux, tu es le bienvenu mon ami.
Si cette phrase paraît être sincère quand il salut le patron, Robertino se jure de ne plus jamais remettre les pieds dans cet anciens quartier des juifs.
En serrant la main du policier, resté assis, ce dernier lui lance, avec un regard qui cette fois n’est pas sans être évocateur :
- On va se revoir ! et il garde un moment la main du français, lui laissant le temps de répondre alors :
- Inch’hallah
Si Dieu le veux. Il laisse le policier pantois, qui se souviendra de son nom, comme lui du sien.
Au revoir Abdul Jalil.
Une fois dehors, l’air frais certainement, donne de l’énergie à nos amis qui peuvent rapidement se diriger vers leur lieu de départ, la place Jamaa al Fna.
- Tiens mon ami, lui dit Abdurazak en lui mettant le morceau de haschisch restant dans la poche, tu vas pouvoir te détendre à l’hôtel ce soir !
- Ho merci mon frère…
Ils continuent leur marche. Robertino, le regard léchant le sol, revient sur l’histoire :
-Non mais quelle horreur ce type, lance il au milieu d’un rire nerveux, un vrai tueur je suis sur. Et c’est lui qu…
Une main sur son épaule, une autre attrapant son bras gauche et le poussant contre le mur l’arrêtent net dans ses propos. Abdul Jalil !
Le visage contre une affiche de combat de boxe lui remet à l’esprit qu’il n’est pas seul.
- Abdu ? ABDU ? mais aucune réponse, Abdurazak a disparu.
- Hé !? Mais dis moi, qu’est ce que je trouve dans ta poche, mon ami ? lui lance gentiment l’officier, tu sais combien ça vas te coûter, ça ?
Au Maroc plus qu’ailleurs, la prison n’est pas conseillée ! Pour l’éviter, les touristes doivent payer des sommes hallucinantes.
Ca aussi, Abdu le savait !
- Qu’est ce qu’il est lourd ce mec. Que gros con, je peux pas le blairer. Un vrai branleur !
- C’est vrai qu’il parle beaucoup pour s’écouter, répond doucement Meghan, comme si elle ne voulait que personne d’autre que Winnie ne puisse l’entendre. Mais c’est fou partout où il a été. Elle continue à lui parler sur le même ton, mais à présent en se rapprochant de lui. Maroc, Tanzanie, ho je sais plus… Elle se met à rire, sans doute un peu grâce au Cabernet Sauvignon et autres vins de ce soir.
- N’importe qui peut faire ce qu’il à fait. Se barrer de chez soi, moi aussi je l’ai fait. Mais j’avais aucune envie d’aller me perdre dans ces bleds, là.
- ha oui, tu as voyagé aussi ? Elle lui fait de grands yeux, et un sourire encore plus grand. Raconte !
Voilà un peu moins d’une dizaine de minutes qu’ils se sont séparés du reste du groupe. Ce ne sont pas les premiers à être partis, mais maintenant qu’il ne restait plus que Samuel avec Robertino, ils leur ont abandonné Antoine, qui ne se plaignait pas de son sort. Ces trois là pourraient passer la nuit entière à fumer.
Ils arrivent en bas du parc de Belleville. Enfin, le parc de l’air, car c’est là que se trouve une batterie d’instrument pour mesurer la qualité de l’air dans cet arrondissement . Dans quelques minutes, ils seront en bas de chez Winnie.
- Allez, raconte ! Elle relance Winnie qui joue son mystérieux.
Déjà qu’ils ne marchaient pas très vite, mais là, Winnie ralenti encore le pas, il décide de jouer sur la corde sensible.
- Tu sais, j’ai pas eu la vie facile. Si je suis là, sur Paris, c’est en partie grâce à Antoine.
Meghan ne dit rien, elle est tout ouie. Elle regarde Winnie tout en marchant lentement.
- Depuis mes sept ans, j’ai pas arrêté de changer de familles. En fait, je ne me souviens plus trop avant que mes parents m’abandonnent, mais on est toujours restés en contact, avec Antoine. Je venais le voir dés que je me sauvais de ma nouvelle famille d’accueil. Il me cachait ! Il remet une couche sur l’affaire Robertino :
- Alors tu vois, voyager quand tu es adulte c’est pas difficile. Moi je me sauvais quand j’étais tout petit.
Comme elle le trouve mignon, Meghan sourit.
- Tu vois Meghan, il lui prend la main, a t-on besoin de raisons, au moment où on en a envie, et où on en a la possibilité, pour jouir de la vie ? Pourquoi laisser passer des opportunités de se faire du bien et pourquoi se créer l’opportunité d’avoir des regrets ? Moi, je saisi toujours les moments de bonheur quand j’en vois passer un.
(A LUI FAIRE REDIRE !!)
N’étant pas encore parfaitement familiarisée avec le français du vieux continent, elle trouve d’une poésie ce que vient de lui dire Winnie.
- Quand je suis revenu sur Paris, il y a de ça trois ans, je suis revenu dans ce quartier parce qu’il y était. Mais j’ai l’impression de toujours y avoir vécu, c’est drôle. Il s’arrête alors, et se place face à elle.
- Je m’y sens bien, et ce soir plus particulièrement ! Je suis heureux ce soir avec toi, Meghan.
Si ce n’eut pas été déjà fait, c’est à ce moment que Meghan serait tombée dans les filets de Winnie.
Les yeux de Meghan trahissaient ses sentiments, et donnaient à Winnie les réponses qu’il souhaitait.
- Décidément Winnie, aujourd’hui aura été une véritable bonne journée pour toi, se dit il, tu auras gagné sur tous les fronts. Et ravis d’être passé devant ce beau parleur de Ramon, il sent d’humeur joyeuse.
Et elle, amoureuse.
Ils continuent alors le peu de trajet main dans la main. Winnie a hâte de se retrouver seul chez lui avec cette petite. Il ne l’écoute plus, il sait que c’est partie gagnée.
VI
MEGHAN AU MAROC
Dans quelques jours, c’est l’été, mais ce soir, la fraîcheur est encore bien présente, et le fait de marcher n’est pas suffisant pour réchauffer ces deux cœurs qui se suivent. Malgré l’heure tardive, ils ne sont pas les seules à flâner dans les rues de Paris. Il y a forcement cet homme d’une cinquantaine d’année, dont on ne connais pas le nom, mais qui se fait appeler Momo. Il est toujours là, sur les marches de l’église, avec une bouteille de vin, ou au pire des cas une bouteille de bière. Mais il y a aussi ce soir une bande de troubadour. Ils reprennent des chansons de l’album « A dog with a rope ». ils mettent de l’ambiance dans le quartier alors que la plupart des gens aimeraient dormir.
Mais eux, ils s’en fichent, ils font de la musique. Et Meghan, elle, trouve ça fabuleux.
Arrivés en bas de l’immeuble rue d’Eupatoria, Winnie, sous le coup de l’alcool, sort cette phrase :
- C’est au pied du mur que l’on voit le mur !
Ce que Meghan ne saisi pas tout à fait.
- Tu montes ? Sur le ton qu’aurait pu employé Gabin.
- Evidement. Je t’ai suivis pour rester encore un peu avec toi voyons. Et il fait trop froid pour que je dorme dehors ! dit elle en approchant son visage du sien.
Et la langue par terre, ils arrivent tant bien que mal à gravir les étages, les abus de la soirée se font encore sentir. Porte ouverte, Winnie pousse son invitée, qui manque de choir dans la minuscule entrée, et qui évite involontairement l’étreinte de son hôte, car apercevant quelques lumières par le fenêtre, elle s’y dirige à grands pas. Elle découvre alors une vue de quartier qui la ravit. Les projecteurs donnent un aspect spectaculaire à l’église. Les arbres et l’animation qui règne encore sur la place Maurice Chevalier donnent un aspect qu’elle n’aurait pas imaginer de cette ville. Elle ouvre la fenêtre du quatrième étage, se penche dans le vide, elle hume le parfum qui arrive jusqu’à elle, l’églantier fait son office. Elle se croit sur une place de village, en écoutant cette bande de musiciens nocturnes qui semblent lui donner la sérénade.
- Ca ! C’est Paris !
Winnie se rapproche, place ses bras sur la rambarde autour d’elle. Il se colle à elle.
- Oui, et tu vas connaître un vrai parisien sous peu.
- Il y a à peine une quinze jours, je préparais mon sac pour venir dans cette ville. Et ce soir je ne crois pas ce que je vois, ni ce que je vis.
- Et bien tu n’as rien vus encore. Je vais te montrer ce qu’est un french lover.
Elle se retourne, se met face de lui. Les yeux larmoyants de cette demoiselle font peur à Winnie. Une fille qui pleure n’a jamais été de bon augure selon lui.
- Tu sais, je n’arrive vraiment pas à croire tout ce qui m’arrive depuis mon départ.
Tant bien que mal, il dut se contenter d’écouter ce que cette jolie proie avait sur le cœur. Elle libera son trop plein d’émotion en parole.
Le plus dur a été de quitter mes parents. Ma mère, elle, a beaucoup pleuré, et mon père lui, me donnait plein de recommandations, me rappelant les noms des personnes que je pourrais trouver à Paris si besoin. Mais il n’a pas oublié de me dire qu’il m’aimait. Ils m’ont accompagnés tout les deux à l’aéroport, et je pense que la séparation aura peut être été plus dure pour moi que pour ma mère, même si c’était la première fois qu’elle voyait son bébé partir loin d’elle.
On s’est prit dans les bras l’une de l’autre, dans les bras les uns des autres, et on s’est quittés.
Mon avion est parti à l’heure, et je suis arrivée à l’heure à Tanger, pour une escale de deux heures.
Bon, petit problème avec l’avion, aucune idée de ce que cela pouvait être, et on nous annonce qu’étant le dernier avion partant pour Paris, on nous offre l’hôtel pour la nuit.
Ok, va pour une nuit à Tanger alors.
Le soir, j’ai pris un taxi pour visiter la ville histoire de prendre un peu l’air. En longeant le port, deux hommes m’accostent et l’un d’eux me demande si je suis française.
- Non, mais je parle un peu le français et je vais à Paris demain matin. Rien que ça, et il était ravis de me rencontrer.
- Alors voilà, moi je suis Abdel, et lui c’est Ali. J’attends des potes qui doivent venir en voiture. Depuis dix jours je les attends, je deviens fou moi ici. Je viens de Paris et blablabla.
Le voilà qui me raconte sa vie.
Abdel doit avoir même pas vingt ans, et Ali cent vingt. En fait trente, mais ses traits étaient si tirés que l’on aurait pu croire qu’ils avaient été marqués au burin.
Ils me proposent de partir ensemble, le lendemain, chez Ali, ou un rendez a enfin été fixé par ses amis. Il serait toujours mieux dans la famille d’Ali, plutôt qu’à rester dans une ville à qui l’on prête le jeu de mots « Tanger- Danger ». Et moi je peux les suivre.
- Je suis libre maintenant, et Paris peut bien attendre quelques jours. Je vous suis les garçons, à nous l’aventure. Je laisserai un message à mes parents de Ketama.
Très tôt partis, et sur la route, Ali arrose grassement chaque policier qu’il semble connaître et avec qui il rigole à chaque fois. Trois heures dans un taxi réservés pour nous trois, j’étais estomaquée en voyant tous les autres avec le double de passagers. On voyageaient comme des princes. Le roi devant. On s’arrêtait régulièrement pour le voir, sans descendre de voiture, récolter différents petits paquets en plastique sur la route, des fois de la main même de policiers. Il nous raconte combien c’est un important marchand. Sa famille possède une grande maison. Une grosse télévision en couleur. Un grand feu pour chauffer la maison. Un gros chien de garde, Killer !
Et la nature tout autour de chez lui, il aime vivre comme ça.
On arrive chez lui, et déjà : problème. D’entrée ils veulent que je suive les femmes dans la cuisine, et que je reste avec elles. Les hommes avec les hommes, et les femmes avec les femmes. Ca ne m’a pas arrangé cette histoire car elles ne parlaient ni anglais, ni français et moi pas un mot d’arabe. Rester avec elles a été super intéressant, mais elles ne m’utilisaient que pour des petites besognes, laver les assiettes, chercher de l’eau. Mais je suis revenu avec les garçons au bout de quelques heures.
Et j’ai eu un bon accueil de leur part. Quand même !
On nous a préparé un gros dindon, qui nous avait été présenté vivant par un gamin de cinq ans, le tenant par les ailes, comme s’il était sur une Harley et en nous indiquant que c’était un « bibi » . Un plat immense avec une montagne de couscous au dindon arrive en début d’après midi. C’était plus appétissant que le plus beau des desserts. On devait manger avec les doigts. J’ai appris quelque chose. C’était aussi bon que beau. Mais y’en avait beaucoup trop. Et ils nous repoussaient toujours les meilleurs morceaux de légumes. Ou de viandes. Nous remettant du jus . On nous gavait et on se laissait faire avec plaisir.
Toutes ces couleurs et ses saveurs dans le même plat. C’était du pur bonheur. Et ça n’en finissait pas.
Ensuite le frère d’Ali, Mohamed, nous montre les cadeaux qu’il a reçu d’amis européens. Là, il nous sort un shilom qui a été ramené d’Inde, par des amis hollandais. Un gros cône en pierre, très allongé. Une pipe à fumer. Mohamed nous à fait une démonstration, avec un mouchoir en tissu. Il l’enroule sur le sommet du cône, afin de le tenir à deux mains :
– Comme ça, on ne peut pas se brûler ! Il mime en mettant sa bouche sur la partie la plus fine, proche de ses mains, c’est ici que tu met le mélange dessiné à être fumé.
Je n’avais jamais vu comment on fumait le hachisch, et quand je lui dis, Ali parut tout étonné :
- Ha bon, tu n’as jamais fumé ? Mohamed, lance t-il à son frère tout en se levant, donne moi un peu de tabac.
Il se dirige vers un coin de la pièce, soulève un coussin, et sors un énorme sac en plastique remplis d’une poudre marron.
Attaquer par leur pipe m’a fait tomber net. Je n’ai plus rien fais de la journée, vaseuse jusqu’au soir, mais bien en fait.. La nuit a été parfaite, j’ai dormi comme jamais je pense. Le lendemain Abdel a eu enfin des nouvelles de ses amis, ils devaient arriver dans deux jours.
On était plus qu’accueilli comme il se fallait. Logés, nourris, blanchis. Et tous les jours, Ali ou un des ses frères nous rinçait. Je ne sais pas comment il est possible de fumer en une journée une si grosse quantité de haschich. Ils nous donnaient tellement que c’était suspect. On voulait nous voir grossir pour nous manger. Plus gros que mon pouce, les morceaux de poudre brune tassée avaient une bonne odeur. Ca sentait fort. L’odeur est presque plus sympa à sentir que le fait de fumer. Le deuxième jours j’ai essayé de refumer un peu. Après tout, c’était l’aventure ! Et heureusement que Mohamed s’est proposé de nous faire la visite des lieux. On a prit l’air.
La maison est en effet grande. Une maison carrée avec une cour intérieure carrée. Juste suffisante pour loger les parents et les sept frères et sœurs qui y travaillent. On dormait ensemble, à cinq, dans la pièce où on prenait les repas. Etant la seule fille avec eux, je me préparait toujours seule dans la pièce avant que ne rentrent les garçons.
Des champs vraiment partout tout autour. Des hectares et des hectares à cultiver et à protéger en famille.
Killer nous a suivit. C’était un brave chien de chasse qui aime bien les caresses. Le fait de marcher à l’air libre, ça m’a réveillée, et j’ai vu la terre encore plus belle que jamais. Plus verte, plus grande. Plus merveilleuse. Je sentais le vent, sur mon visage, dans les cheveux, c’était comme une caresse. L’odeur des pieds de cannabis aussi était forte. C’était aussi enivrant que de le fumer.
L’effet de la liberté te libère et te fait voir la vie différemment je pense.
Quelques sources agrémentaient le parcours et le soleil était bien chaud. C’était super joli. En continuant, on arrive par une autre route derrière la maison. Des sortes de granges avec des mezzanines où étaient entassées des plants qui finissaient de sécher. Et dans un autre endroit, des sacs plastique plein de poudre marron. Et partout l’odeur du chanvre, encore plus fort que dans les champs. Ce jour là, seuls un autre frère d’Ali, je ne me souvient plus de son nom, et Mohamed travaillaient.
Mohamed plongea la main dans un sac pour continuer de nous détruire les neurones, avec ce qu’ils appellent du « zéro-zéro ». Son frère justement était en train de taper avec une grosse baguette sur une toile en plastique qui recouvrait des plants de cannabis. Le tout sur un grand tissus tendu au dessus d’une bassine. La toile était toute vieille, et avait des raccords avec du ruban adhésif. Elle avait du en voir des tonnes de plantes. Et la poudre qui passait au travers du drap, c’était ça le « zéro-zéro ».
Après une dizaine de minutes, enfin je crois, il a enlevé le tout et a placé les plantes sur un tamis super fin. Et a recommencé à taper dessus pour avoir la « seconde qualité » comme ils disent.
Deux jours ont passés, et les potes d’Abdel ne donnaient toujours pas de signe de vie. Et le père d’Ali, jusque là invisible, fit son apparition et parla à son fils, et son fils vint parler à Abdel. Les choses avaient comme ainsi dire l’air de se gâter pour Abdel. Le père et le fils ne comprenaient pas pourquoi ses amis n’étaient pas arrivés et ils commençaient à penser qu’ils perdaient leur temps avec lui. Il haussa juste le ton et Abdel éclata en sanglot en disant attendre ses amis, qu’il ne comprenait pas non plus. Ca a paru suspect à Ali, qu’un homme puisse pleurer aussi vite.
J’ai quand même fini par comprendre ce qu’était venu faire Abdel chez « ses amis ».
- Ecoute mon frère, lui dit Ali en allumant une cigarette, la première vrai cigarette allumée dans la maison, on te laisse vivre avec nous, manger avec nous, fumer avec nous et tout ça gratuitement depuis que tu es arrivé. Tu crois que tes amis vont finir par arriver ? Sinon tu vas bientôt devoir rentrer en taxi sur Paris avec les poches pleine si ça continue ! Ca va être plus difficile pour toi ! Tu comprend ?
Ali ou un de ses frères le poussaient à téléphoner sans cesse, et lui parlaient de plus en plus sèchement, en arabe seulement.
Les appels téléphoniques restant sans réponses, les jours suivants devinrent moins sympathiques et on commençait à nous traiter avec moins de complaisance. Ali surtout en prenait plein la tête, on lui interdisait de sortir de la pièce. Sauf accompagné pour ses besoins.
Moi, je commençais à regretter d’avoir suivis deux inconnus, même s’ils m’avaient semblés sympathique ce premier soir.
Un matin, j’entend Ali parler très fort :
- Qu’est ce que tu fais, on dirait que tu n’as pas envie de voir tes amis arriver. Mais est ce que tu as vraiment des amis qui doivent faire du commerce avec nous, ou tu as voulu jouer les caïds pour avoir une histoire à raconter à ta petite amie en France ?
- Mais non, c’est bon ! Ils vont arrivés, et on va te prendre beaucoup je t’ai dis ! Et tu n’as pas le droit de parler à tes clients comme ca…
Après avoir giflé Abdel, Ali se dirige vers moi, et me demande :
- Qu’est que tu veux faire, tu préfère retourner à Tanger et partir pour la France, ou rester au Maroc ? Je lui demande pourquoi il me pause ce genre de question maintenant, et il me répond de choisir une destination pour le taxi. Déjà, je me trouve soulagée qu’il me propose de repartir, je n’osais pas en parler !
- Pour repartir je prendrai un bus, je te remercie Ali, c’est plus long mais c’est moins chère.
Et lui me prétexte que les bus ne sont pas sur avec la police. Car évidemment, il insiste pour que je lui achète un peu de ce que j’avais fumé à l’œil durant ces quelques jours. Ce qui n’était pas énorme par rapport à eux.
- Tu vois, Meghan, me dit il tout proche, avec un sourire rassurant, mon business, ça fait vivre ma famille. Ce que tu as mangé, ce que tu as bu, et le peu que tu as fumé, c’était gratuit, c’est de bon cœur. Il marque une petite pause, puis continue de sa voix dure comme peuvent l’être ses traits : tu veux pas faire un effort et aider ma famille en ramenant un petit souvenir avec toi. Si tu reste un peu au Maroc, tu pourras fumer en paix.
Qu’est ce que je pouvais bien répondre à ça ?
Me voilà avec cinquante grammes de hasch sur les routes les plus contrôlées du Maroc. J’ai préféré aller seule à la gare routière du village. Et sur la route abandonner mon petit paquet.
Ho combien soulagée quand je me suis débarrassé de mon achat compulsif. Mais avec un certain petit regret il faut l’avouer, j’aurais eu besoin de me détendre un peu maintenant que j’étais sortie de cette maison. La raison a bien été la meilleure des conseillères. A plusieurs reprises, la police et même l’armée ont arrêtés le bus et y on fait monter des chiens, fouillés quelques passagers.
Je peux dire que même sans rien sur moi, je n’était pas du tout rassurée.
Le bus m’emmena dans un petit village du Rif, à moins de deux heures de Kétama. Ali, m’avait donné l’adresse d’un petit hôtel, dans mes prix et tenu par un cousin à lui.
Chef Chaouen était connu pour être la ville bleue. Du moins du rif, car on m’a apprit que Asilal sur la côte Atlantique était aussi la ville bleue. Et Essaouira aussi, plus au sud.
C’est vrai que c’était super joli, la moitié de la médina peinte en bleu, entre le marine et le ciel, ça m’a donné envie de rester un peu.
Me voila enfin revenue à Tanger. Un avion devait partir pour Paris le lendemain de mon arrivée. Une dernière balade sur le port avant de quitter le pays. Et c’est fini pour moi.
Deux jeunes s’arrêtent en voiture à sa hauteur, leurs vitres baissées, et lui lancent
- Hey salut, t’es Française ?
- Non, mais je pars à Paris demain par avion. Et vous ?
- Nous on vient de Paris, on vient chercher un pote, mais on n’arrive pas à savoir où il est et son téléphone décroche pas. T’aurais pas croiser un gars du nom d’Abdel ? Ca fait une semaine qu’on le cherche…
Pains en poche, le retour de la boulangerie se fait en montant quatre à quatre les marches qui mènent au nid où l’attend un autre oiseau chanteur que le merle. Quelques indices lui suffisent pour deviner à quel étage il se trouve. La petite fenêtre du deuxième qui est cassée de manière à former un trèfle. Ou encore au troisième étage, le paillasson de son voisin qui est posé sur un bout de moquette, pour ne pas le salir de dessous, et il sais que seul le troisième reste avant le sien. Sans même compter, ni vérifier en levant le nez des marches de bois qu’il gravit comme le sportif qu’il aurait pu être, il se présente devant la porte qui est encore la sienne.
Essoufflé, Winnie sourie à celle qui l’attend, allongée prêt de la fenêtre, heureuse de la nuit, heureuse de son réveil entouré de tant de merveilles. Heureuse de voir celui à qui l’a si vite faite chavirée il y a quelques heures seulement. A certains moments, au début de leur nuit particulièrement, l’écoute active de Winnie aura fait une grosse partie du travail. Il aura su y faire, encore une fois.
Le repas prit, Winnie enfin rassasié, il demanda d’un ton trop sérieux pour sembler l’être réellement :
- Dis moi, est ce que je t’ai comblé cette nuit ?
La réponse dans un tel cas ne peut être employée qu’avec un ton exagéré, et son amante d’une nuit répondit avec un certain sens du théâtre, les mains jointes, comme pour remercier du cadeau reçu du ciel. Winnie senti la pointe d’ironie. Il lui avait posé cette question dramatiquement, lui même extrêmement sérieux, et une réponse franchement positive était attendue. Comment pouvait elle se permettre de rire de tout ses présents. Avait elle déjà connu mieux avec un homme?
Vexé jusqu’à la moelle, Winnie ne sut plus quoi ajouter. Si elle ne savait pas reconnaître une exception, elle n’avait qu’à aller ailleurs pour voir, et il lui fit comprendre par des remarques désobligeantes que lui même ne gardera pas de souvenir intarissable de sa rencontre.
Ne comprenant rien à la situation, Meghan se mit à sangloter, et à lui demander pourquoi…
- Là c’est bon casse toi, je t’ai assez entendu ! Putain de bonnes femmes va !
Meghan, qui restait sous le choc d’une réaction abusive de la sorte, ne trouva rien d’autre à faire que de se lever et d’aller dans la salle de bain.
Elle se rhabilla, tâcha de se maquiller, mécaniquement, mais sans conviction, sans savoir pourquoi tout ceci arrivait. Le tout sans une explication de la part de Winnie.
En revenant dans la même pièce que Winnie, celui ci lui dit, dés qu’il la vit :
- Quoi… encore là ? sur un ton agressif, Je pensais que t’étais parti déjà. Puis sur un ton plus gentil
- Tu as oublié quelque chose peut être? vraisemblablement, il se moquait d’elle. Elle le sentit, mais ne le comprit pas.
Jusqu’à son départ alors, il l’ignora, et commença à préparer ses petites affaires alors qu’elle tournait en rond, cherchant ses affaires à elle.
- Mieux vaut commencer la journée seul que mal accompagné, se dit il. Et il restera toute la journée un peu piqué de ne lui avoir fait que si peu d’effet.
Cette relation avait pourtant bien commencée pour ces deux passionnés d’une nuit. Mais voilà que la demoiselle dut rentrer avec le goût amer d’une amourette fictive. Elle se senti abusée, déçue par ce premier amour outre Atlantique. Elle qui s’attendait au french lover des séries et au romantisme exacerbé.
Peut importe, pour Winnie, l’important était quand même que lui, il ai pu tirer quelques plaisirs de cette rencontre, bien qu’il en eu cependant gardé un petit goût amer. De toute manière, il ne comptait pas longtemps avec elle. A « chialer pour un rien » il n’aurait pu la supporter longtemps.
Sur son trente et un, sourire aux lèvres : direction le bureau.
En avant la musique.
- Aujourd’hui, c’est ma fête ! se dit il, car dans les escaliers, il se heurte à Madame Sapardi, la propriétaire. Elle n’est pas seule. Accompagnée d’un jeune homme qui pourrait être son fils, ils le cueillent sur le pallier du troisième étages, alors en pleine discussion avec un locataire se plaignant de ces infâmes parasites vivant au crochets des honnêtes citoyens.
- Justement, nous parlions de vous jeune homme ! Quand comptez vous quitter mon appartement ? Vous n’êtes pas sans savoir que d’ici le vingt et un de ce mois je serai dans mes droits d’user de la force pour vous faire décamper !
- Bien le bonjour, percepteur ! Justement j’ai rêvé de vous cette nuit, et vous voilà. De bonnes choses se préparent j’en suis sur. Et je pensais renouveler mon bail, si cela ne vous embêtait pas ?
- Non mais écoutez le, l’insolence parle…
Ne lui laissant pas le soin de terminer ce qu’elle avait à dire, le voilà qui défile du troisième jusqu’au premier. Puis du rez-de-chaussée il les salut bien fort. Fort poliment.
L’été arrive, voilà qui devient problématique.
V
DEPART DU SQUAT : DECOUVERTE DE SA SOEUR
Comme tous les jours, le merle chante. Winnie profite une dernière fois de son chant, et il lui semble être plus fort que les autres jours. Plus beau aussi, et bien qu’en en profitant de tout son cœur, il lui manque déjà. Il tarde à quitter cette place qui l’a abrité durant de si nombreux mois.
Les jours ont passés, et il est temps pour lui de partir, s’il ne veux pas se retrouver à la rue, manu militari. Il prend donc l’initiative, et a porté le peu d’affaire qu’il possédait chez son ami de toujours, Antoine, qui lui a proposé de rester quelques temps chez lui.
Petits cadeaux pour Mme Sapardi : il a laissé robinets ouverts et a obturé la serrure au chewing gum.
Présents tout naturels de la part de celui qui n’a pas attendu de se retrouver face à elle.
- Aller, salut !
Il quitte sa maison.
Le voilà, sourire aux lèvres, qui arrive au second étage, et entend la voix de sa propriétaire montant les escaliers, accompagnée par deux bons déménageurs. Aie : problème !
Impossible de continuer, demi tour.
- Ha, c’est pas possible ça, grogne t-il en silence, juste maintenant !
Il remonte en silence et pense alors à aller jusqu’au cinquième. Arrivé à cet étage, le comble : il tombe nez à nez avec son voisin qui s’apprête à fermer sa porte.
- Bonjour monsieur, sort il spontanément, je suis votre voisin du dessous. Comme je quittais les lieux, je suis venu pour vous saluer ! J’aurais voulu savoir si je ne vous avais pas trop causé de nuisances ?
- Et bien ça alors, c’est une fameuse surprise que de vous voir là, mon petit ami. On entendant la voix de Madame Sapardi, il lance un regard par dessus la rampe d’escalier, et recule vers son appartement. Il l’invite à le suivre :
- J’allais faire un petit tour, mais entrez un moment ! Vous partez donc, vous avez trouvé autre chose de moins cher ? lui lance t-il avec un regard malicieux, connaissant bien sa situation de squatter.
- Houa ! C’est la jungle ici, s’étonne Winnie à voix haute. Le grand père lui sourit. Pas exactement, je quitte Paris, je vais faire un long voyage.
Winnie remarque que son voisin le fixe, avec toujours un certain sourire. Il se sent alors un peu moins à l’aise, comme si le grand père savait ce qu’il en retournait de sa situation.
- J’ai entre-aperçue votre propriétaire à l’instant, peut être vous voulez lui dire un mot ? Demande gentiment le papi, mais ce sera sans moi. Je préfère attendre qu’elle soit loin pour sortir, c’est une vieille râleuse cette femme, lui confie t il avec un sourire complice.
Apres un petit moment de silence, le papi lui demande :
- Je me demande… Vous n’habitiez pas dans le quartier il y a quelques années de ça ? Au niveau de la rue Oberkampf ? Il me semble bien que oui, en effet. Vous restiez avec votre mère et votre sœur, c’est ça !?
- Ma sœur ? Les yeux écarquillés de Winnie trahissent son étonnement. ne Je ne pense pas non. C’est sur que vous faites erreur.
Un peu perplexe, le grand père continue :
- Avec une physionomie comme la votre, n’y voyez pas de mal, il serait étonnant d’oublier un garçon qui devrait avoir votre age aujourd’hui. Le regard tourné vers le plafond, il donne l’air de chercher quelque chose. Son quelque chose trouvé, il dit alors à Winnie :
- Votre sœur, elle s’appelle Isabelle ! Elle est métisse d’ailleurs, je me souviens parfaitement, oui. On se retrouvait parfois à la boulangerie en haut de la rue. J’y allais quand je revenais du cirque d’hivers.
Ses idées s’éclaircissent, il n’ose lui demander si il a de ses nouvelles, car il se rappelle maintenant que sa sœur et lui ont été placés dans des familles différentes après la disparition de leur mère.
Au même moment, Winnie croit se rappeler qu’il embêtait souvent une de ses mères d’accueil à cause de son prénom et de sa couleur de peau, il lui disait justement, qu’elle n’était pas belle. Et il la voit, cette Isabelle, les cheveux noirs, la peau mate, être appelée par une seconde femme plus âgée, pendant sa petite enfance.
Comment se fait il qu’il est pu effacer tout ceci durant ces années. Comment a t il pu croire que cette Isabelle ait pu être une mère d’accueil ?
- Ma sœur, vous dites ? Son ton décontenancé n’échappe pas au vieil homme.
- Vous semblez troublé, vous allez bien mon jeune ami? Je suis désolé si j’ai réveillé certains souvenirs. Veuillez m’en excuser, ca ne me regarde pas de plus.
Ne restant pas désarçonné plus longtemps, Winnie enchaîne par une question, l’air normal :
- Bien sur, ca va ! Nous avons eu quelques problèmes. Vous pouvez me dire quelque sur elle, que je ne sache déjà ?
- Apres que vous ayez été séparés, il y a de ça bien longtemps, votre sœur à dut aussi être placée dans une famille. Le papi prend un air désolé : La bureaucratie française n’aide pas à rapprocher les frères et sœurs orphelins vous savez. Et je ne sais pas où elle a été placée. Mais elle était quasi majeure je crois me souvenir, je ne sais pas ce qu’il est advenu d’elle par la suite. Un sourire réconfortant, sincère et protecteur est adressé à Winnie. Mais vous, qu’est ce vous faites ici ? Vous êtes revenu pour elle ? Vous avez besoin de quelque chose ?
GIFTY, PERDU AU MILIEU DU BUSH
- Aller ma puce, on y va maintenant, sinon maman va nous attendre. Tu veux pas faire attendre maman quand même ?
Apres un petit moment, comme si elle ne l’avait pas entendu et qu’elle fut toute seule, la petite se lève de son tapis de jeu, et passe devant son père avec une poupée dans les bras.
- C’est pas ma mère, à moi !
Elle ne s’arrête pas et va directement à la voiture, elle ouvre la portière arrière gauche, et monte.
Antoine vit toujours chez ses parents. Ils lui ont aménagé un studio dans une petite dépendance de la maison de ville familiale. Une pièce de bel espace, suffisante pour accueillir un lit double en mezzanine, un petit coin salon au dessous avec un matelas servant de canapé, et une table basse où se trouve tout le matériel informatique d’Antoine. A coté de la table, une minuscule mais suffisante cuisine. Salle d’eau comprenant douche et toilettes. Et partout dans les espaces libres, des coussins. Peu lumineux, mais idéal pour un garçon nocturne, ce genre de programmeur un peu autiste, créant des jeux, de la musique, passant le clair de son temps devant ses écrans d’ordinateurs. En total décalage avec la vie que ses parents attendaient pour lui. En fait d’étudiant, un marginal pousse dans leur maison.
Apres avoir frappé à sa porte, Winnie s ‘entend être invité à entrer. Il ouvre alors la porte, et trouve Antoine assis par terre, sur un de ses coussins, une jambe tendu au sol, et son autre genoux prés de l’oreille, le pied sur la table.
- Tu fais quoi là ? Tu pratique le Kama-Sutra tout seul ? lui dit il avec un air dégoûté.
- Crétin va ! Antoine ne lève pas le nez en sa direction, concentré qu’il est dans sa besogne. Tu vois pas que je suis en train de me couper les ongles ? Tu connais ma souplesse, je lutte mon gars. Je lutte !
- Ho, vas y t’es dégueulasse ! Tu peux pas faire ta pédicure ailleurs que sur la table où je vais manger ?
Cette fois, il lève les yeux vers son invité, et répond :
- Dis donc ! C’est mon pied, ma table, et je crois que je peux encore en disposer comme il me semble chez moi !
Apres s’être salués comme il se doit, les deux amis se retrouvent tous deux assis par terre. Antoine sortant du tiroir de sa table basse une petite boite en bois foncé, orné de différents motifs indiens en ivoire, lui demande ses plans à venir.
Winnie, qui a encore l’esprit chez son ex voisin, tente de se rappeler des moments de son enfance.
- Dis donc, questionne t il d’un air naturel, tu te souviens pas s’une fille qui jouait avec nous quand on était môme, du temps où je vivais encore ici ? Elle devait être plus âgée que nous, et elle devait être typée indienne ?
- Alors là, Winnie, tu me poses une colle. Ca ne me dit rien du tout. C’est quoi cette question ?
- Ho rien, laisse couler. Un geste de la main vint accompagné ses paroles. Bon, concernant mes plans…..
Passer l’été dans les rues de Paris n’est bien sur pas son objectif, mais Winnie compte profiter de son ami non seulement pour l’hébergement, mais aussi pour l’aider dans son grand projet..
- Ayant discuté avec Meghan des raisons de son départ du Canada, seule, je pensait qu’elle voulait quitter ses parents, trouver l’indépendance qu’ils lui refusaient. J’ai rapidement compris combien elle pouvait être aidée par ses parents à trouver sa voie, ce n’est donc pas une fuite qu’elle cherchait. Le manque de confort et la découverte d’elle même ainsi que de la façon dont pouvaient vivre les autres l’on conduite jusqu’ici. Et je pense qu’elle ne restera pas en France, d’autres horizons l’attendent.
- Serais tu en train de me dire que tu envisages de la suivre durant son périple ? Antoine le toise, et emploie un ton ironique. Tu te serais fais alpagué si rapidement par cette fille que tu en quitterais ta place de rat du métro ?
Le sourire de Winnie montrait bien de la raillerie envers son ami. Pour ce qu’il venait d’avoir entendu là, il ne répondit qu’il n’était pas rat à être domestiqué par une chatte. Mais se tût sur son sentiment envers cette chatte par qui il s’était senti mouché il y avait quelques jours de ça.
- Tu n’y es pas l’ami, c’est son idée d’être sur la route. Si je dois me retrouver à la rue, pourquoi je resterais à Paris ? Puis il continue en chantonnant : Il me semble que la misère, serait moins pénible au soleil !
Il lui expliqua ses projets de voyages, durant lesquels il trouverait bien à se faire quelque argent ici et là. Il pourrait toujours oeuvrer comme il sait si bien le faire dans le métro, partout où il y a des poches à fouiller, il y a à manger. Mais il voulait surtout lui parler de son projet d’écrire un livre. Un guide plus particulièrement.
- Tu as pris un truc chimique ? LSD ou crack, et t’es resté bloqué ou quoi ? Toi, tu veux écrire un bouquin ?
- Tout le monde fume, tu sais bien, tu le vois bien. Ca fait un nombre énormes d’acheteur potentiels pour un bouquin comme ça ! Je vais moi aussi aller au Maroc, et rencontrer cet homme dont m’a parlé Meghan. Et après je vais aller en Inde, au Pakistan, partout où ils cultivent de l’herbe. Un livre comme un reportage sur le cannabis. Les gens ont envie de savoir ce qu’ils fument, d’où vient ce qu’ils achètent.
(plus loin : Meghan déconseille Winnie de voir Ali : danger)
Lancé dans sa théorie, on aurait pu croire qu’il avait fait une étude de marché. Il en convaincu son ami. Ou presque.
- Ok, en fait ton but est de recréer le club des hachichins. Comme feu le club du même nom, en cinquante. D’il y a deux siècles. Théophile Gautier, Baudelaire, de Nerval et même le peintre Delacroix en étaient! Tu penses être à la hauteur mon p’tit Winnie ?
Bluffé, il ne sut que répondre que son but n’était pas de faire la propagande de la fumette, mais un travail à vocation informative.
- Loin d’être un intellectuel, tu es ! avec un certain accent de l’espace, fut lancé à Winnie, qui ne vit là aucune référence, Auras tu la force de parcourir ta planète à la recherche de la vérité ?
La force, ou du moins l’idée, lui est venue lorsque Meghan lui a racontée son histoire.
Et il se rappelait comme elle était jolie sous la faible lumière, chez lui. Il se rappelait aussi combien elle était passionnée en se remémorant certains passages de son aventure. L’aventure, oui, est excitante.
Il est décidé à partir.
-Mais avant ça, tu dois faire un travail de recherche, essayer de rencontrer des voyageurs qui sont déjà allés dans ces coins, comme Meghan en fait. Comme ça tu sauras où aller ! Juste histoire de ne pas partir à l’aventure ! Ou à la mésaventure !
- Oui, t’as raison ! Je savais que tu me serais utile, lui dit il d’un ton paternel, je vais chercher des personnes qui savent où aller et trouver les bonnes adresses. Et comment je fais ca ?
Seule réponse d’Antoine :
- Internet !
Cela fait vingt et un jours maintenant que Winnie a expliqué à son ami son désir de partir, et il aura trouvé chez lui un hôte de première classe, lui offrant gîte et couvert, en attendant qu’il ai suffisamment d’informations pour partir à son tour.
- Ecoute mon pote, si tu veux te lancer, tu devrais partir au plus vite. Plus tu vas attendre, plus tu vas tarder, et plus tu vas rester au chaud chez moi. Tu me déranges pas, mais tous les jours tu parles de partir, de voyages, de vendre ton truc que tu n’as pas encore commencé à écrire. Vas y, lances toi ! bouges mon vieux !
- Non, non, non ! Lui répond Winnie, d’un air fatigué. J’attend d’avoir un peu plus de matière sur laquelle je peux travailler, voilà ! C’est ton idée non ? J’ai posé des annonces sur des forums. J’attend…
- Arrête de glander, et vas-y ! Tu m’as pas dis que tu devais rencontrer un gars justement ? Un type qui était parti je sais plus où ? A Madagascar, c’est ca ?
- Non, à côté de Madagascar, soupire t-il. Je sais plus le nom du bled.
- Tu as son mail ? Son tèl ? T’attends quoi, je veux bien t’aider mais je veux pas mâcher ton boulot. J’ai le mien qui m’occupe déjà assez tu sais ! Sans avoir haussé le ton, Antoine lui fit comprendre qu’il aimerait voir les choses bougées chez lui.
- Ok, j’ai son mail, je lui envoie un message dés que tu me laisse ton PC !
Sitôt dit, sitôt fait ! Antoine fait rouler son siège de bureau de l’autre côté de sa pièce, et s’installe sur le matelas pausé au sol.
- La place est chaude, lui lance t-il en même temps que, du pied, son fauteuil à roulettes.
Jérôme, qui a à peu près le même age que Winnie, est le premier à lui avoir envoyé un mail avec une réponse positive.
- Ok, c’est parti, on y va ! A moi l’aventure. A moi la monnaie et la gloire. Bien belle pensée qu’eut Winnie en montant dans la cabine !
Jérôme transporte du carnets d’écoliers. Quarante tonnes de papier. Sa cabine est une XXX. Il y a tout ce qu’il faut pour vivre dans quatre mètres carré. Excepté la douche, et tout ce qui concerne la salle d’eau la XXX est équipée grand luxe.
Couchette double, penderies et placards font face à une kitchenette, un écran énorme face au lit double. Un écran est bien également disposé sur l’énorme tableau de bord qui semble faire des kilomètres de longs. Le siège inclinable permet de faire un énième lit. Les pieds de Winnie ne risqueraient pas de toucher le pare-brise.
Les présentations faites, la conversation arrive vite à la passion de Jérôme.
Winnie est du même avis de Jérôme, sans aucun doute !
Jérôme et son copilote se rendent dans un restaurant de routiers, un self de très bon augure.
Lorsque la caissière qui a connu toute sa vie le même restaurant demande si Winnie possède une carte de routier, celui ci lui dit l’avoir laissée dans sa cabine. Le voilà comme les routiers devant lui, à écopé des quinze pour cent de réduction réservés à leur profession.
Purée de pommes de terres, sauce aux champignons. Choix sur la viande, mais poisson pour les deux voyageurs. Petits desserts tout ce qu’il y a de convenable. Cafés. Jugez par vous même, tout ce que l’on peut rêver. Tout ce que vous pouvez rêver !
Repas salutaire pour Winnie, qui sentait l’hypoglycémie naissante.
La route de nouveau. Cette belle route tranquille à travers la France. Panoramique, la cabine est un rêve pour le passager.
Frères de jeux, Jérôme demande à Winnie s’il est fumeur, et à réponse négative, le chauffeur s’improvise artiste solo.
Sélecteur de vitesse bloqué à quatre vingt dix. Le volant, si grand qu’il parait si aisé de faire suivre une trajectoire sans fautes aux vingt six roues qu’il dirige. Si grand qu’il peut laisser libre les mains du chauffeur, un genou pouvant le diriger si facilement. Dans une main un peu de tabac de poudre marron et dans l’autre une feuille qui attend de recouvrir le mélange. Il aura préparé un petit tube en carton de la carte de visite de son employeur. Tout en discutant d’une partie mémorable alors qu’il s’était exclu d’une fête pour s’enfermer dans une chambre de la maison en fête afin de rejoindre son coloc en ligne pour conclure une de ces parties qui ne peut pas attendre, Jérôme mit à sa bouche un exemplaire réussi de ce que l’on appelle un stick.
Après avoir allumé son joint et en avoir tiré quelques bouffées, Jérôme le tendit à Winnie, qui se redressant sur son siège lui dit accepter pour l’occasion, pour son départ, car ce n’est pas trop dans ses habitudes.
Un passage sous ses narines ouvertes pour accéder au plus fort de la résine se consumant, et en bouche.
- C’est un signe, se dit il.
Deux bouffées suffiront pour retendre à son propriétaire ce qui lui est du. Winnie se détend et enlèves ses chaussures. Incline le siège pour s’approcher de l’horizontal, et va même jusqu’à poser les pieds sur le tableaux de bord, là bas !
La ceinture ouverte, comme le premier bouton du pantalon, slip détendu. Les mains croisées sur le ventre. Elles ne tiennent pas longtemps, elles appuient trop sur l’estomac. Les bras croisés sur la poitrine, les épaules à côté des oreilles. La température a monté d’un niveau. Le soleil tape mais Winnie vient d’hériter d’une fièvre tropicale en quelques secondes. Il sue à grosses gouttes mais des frissons le glacent. Frigorifié et en age, ses oreilles bourdonnent et les vertiges qui l’accompagnent font qu’il se retrouve dans l’impossibilité de bouger. Et de parler.
Des questions l’assaillent tout d’un coup. Il pense à tout ce qui va ou qui pourrait mal tourner. Une sorte de paranoïa s’empare de lui. « Meghan. La propriétaire. Mais où est ce que je vais aller avec ça en poche. Cette décision que j’ai prise de partir n’est peut être pas la meilleures des choses. La route avec ce gars est elle sure ? Pourquoi suis je dans un état comme ça, c’est quoi ce plan ? C’est quoi ce matos ?»
La musique : sauvé. Sans savoir pourquoi il ne l’avait pas entendu jusque là, c’est une lumière pour son cerveau. Entendre tout d’un coup la musique, l’écouter puis s’y focaliser.
La nausée qui montait n’est vraiment pas arrivée loin de la sortie.
La pression retombe assez vite. Plus de bourdonnements, mais trempé de sueur, Winnie se rassit convenablement. De nouveau glacé, il monte quelque peu la température de la cabine.
- C’est vraiment à l’occasion.
- Pas de soucis. Tu as fais une petite sieste là ! Ca va ?
- Je somnolais un peu, ça va mieux. Requinqué.
Mais les questions sont encore là sans réponses, et commencent à lui faire regretter son départ. Peut être devrait il rester un peu en France, en milieu familier. Peut être pourrait il rester à Lyon avant de continuer de descendre vers le sud, ils sont proche de cette ville. Et il pourrait même prendre un train pour remonter rapidement sur Paris, retrouver Aurélien si besoin.
- C’est ça, le mieux c’est de remonter sur Paris !
Ce ne sont pas les conditions les meilleures pour descendre d’un camion et faire du stop, mais Winnie a pressé Jérôme de le laisser ici, à un rond point perdu à l’intersection de deux autoroutes. Ce serait bien de la chance qu’une voiture s’arrête sur une voie d’accélération.
Ils auront fait près de quatre cents kilomètres avant de se séparer.
Mais Winnie n’aura pas beaucoup à attendre pour remonter en voiture. Un break allemand flambant neuf, conduit par un allemand lui aussi, pressé de retrouver ses amis sur Paris, s’arrête pour l’auto-stoppeur. Il a d’ailleurs commencer la fête dans la voiture.
Après une demi journée à deux mètres du sol à quatre vingt dix, se retrouver à cent soixante dix avec un volume de musique abrutissant, Winnie eu une sorte d’intense mais trop bref instant de réveil, comme une claque, puis eu de nouveau les jambes coupées pour un moment. Le refus de boire derrière lui à sa bouteille de whisky n’offusque apparemment pas Erich. La fête est bien présente pour lui, mais Winnie préférera mourir sobre. Ce retour à la vie réelle dans ce bolide n’est pas des plus agréable. Sans aide quelconque, Winnie ressent les mêmes symptômes que dans le camion. A présent il sais sur quoi se concentrer, mais la musique est trop speed et la vitesse l’obnubile. Il demande de nouveau à son chauffeur de le laisser descendre, il n’en peut plus. Des frissons lui parcours tout l’épiderme. Cette fois, sa nausée prendra le dessus et laissera un désagréable souvenir à Erich.
Le voilà, encore, sur le bord de l’autoroute, assis par terre, les coudes sur les genoux et la tête entre les mains.
Winnie après être resté comme ça une bonne heure, se retrouve à attendre dans une station essence. Il aura eu le temps d’y penser un peu : son départ était précipité, il se l’avoue.
Quand l’espoir de voir s’arrêter pour lui une voiture eu disparu, le conducteur d’une Renaud cinq orange, l’autorise à s’asseoir pour un moment dans ce qui a fait partie de l’Histoire automobile. Sièges d’époque, comme le volant, seule la moquette au sol a été reposée. Le reste est du siècle dernier. Il en est un qui est assez content, voir fier, de montrer sa R5 à quelque intéressé de l’automobile, car Winnie aussi a évidemment fait partie d’un club automobile. Francis devrait être célibataire mais est marié et a une fille. Francis vit à Sainte Maxime, portugais ostentatoire et une petite cinquantaine, il remonte voir ses parents à Paris pour quelques jours. Marié à une institutrice, il a quelques passions : boire de la bière avec des amis. Jouer sur internet. Voir des films sur internet. Fumer en regardant des films sur internet.
Interdiction de fumer dans la voiture par contre, mais le tabac infeste quand même son bébé vierge de cigarettes. Francis est un enfumeur, il transpire la nicotine. Infarctus obligé dans les cinq ans.
En tout cas, cette partie du chemin fut bien reposante, mis à part le monologue du fanatique, Winnie se sent bien mieux à présent. Un peu d’écoute active et quelques réponses bien placées font de la route un enchantement commun.
Portes des Lilas, ligne onze, Winnie frappe à la porte de son ami quitté le matin même une demi heure après être revenu sur Paris.
- Qu’est ce que tu fout là ? T’as pas réussis à trouver une seule personne pour te prendre ?
- Je suis désolé, la seule voiture qui s’est arrêtée était déjà pleine, j’allais pas monter dans une voiture avec cinq autres personnes. Et je me suis dis qu’une autre allait s’arrêter…
- Et Rungis, tu devais attendre après un camion ?
- Oui oui, mais aucun ne partait vers le sud, incroyable. La Belgique, l’Angleterre, la Roumanie même. Mais l’Espagne : que de chie !
- Ouais, ok…. Entre, tu réessaieras demain !
AMSTERDAM : MASHA ET LES CORDES, PAR SAMUEL
Du théâtre de Guignol au belvédère, de la cascade au lac, chaque coin d’herbes est envahit par les aoutistes, ou par les touristes désireux de découvrir le plus grand parc de la capitale. Certainement le plus beaux aux dires des amoureux de verdure.
On peux entendre parler anglais, espagnol ou africains. On parle beaucoup des lieux à visiter dans la ville, des destinations choisies pour les vacances. Pique-niques en famille ou entre amis, jeux de ballons, le parc des Buttes Chaumont ne désemplit pas depuis les beaux jours, et n’a rien à envier aux plages de Ramatuelle.
Encore une fois, en plein jour cette fois, et au vue de tous, Aurélien aura appelé ces plus proches amis à se retrouver autour d’une nappe et de quelques bouteilles. Cette fois, la bière côtoie le vin, le pain est l’allié des salades, faites par certains, plus par certaines.
Samuel se retrouve entre Prairie et Meghan, à parler de son dernier aller retour à Amsterdam. Cette dernière aimerait justement connaître cette ville, que l’on dit aux cent canaux et aux mille ponts. Ville fleurie par excellence, Samurai fait l’apologie d’Amsterdam.
Possédant des parcs fabuleux, comme le Vondelpark, le plus grand de la ville, et le paradis des joggeurs et de cyclistes car contrairement aux Buttes, il est uniformément plat, il y a à voir aussi le Rembrandtpark, le Oosterpark ou le zoo Artis. Partout des fleurs dans cette ville où l’eau est omniprésente. Malgré le fait de posséder des locaux spécialisés pour les fumeurs de tous genres, la ville est d’une plus belles villes européennes, et contrairement aux idées reçues, calme et extrêmement sure. A visiter avec ses amis pour la visites de ces coffee shops, à visiter pour les découvertes culturelles avec plus d’une vingtaine de musées, ou entre amoureux avec, évidemment les promenades sur les canaux ou en vélo.
Ainsi revenait Samuel de cette ville extraordinaire.
Plus exactement, il avait passé une semaine dans un village d’irréductibles dutchmen. A quinze kilomètres du centre d’Amsterdam, Ruigoord.
Village culturelle, où seuls quelques artistes ont réussis à résister à l’expropriation, qui aurait vu la construction d’une usine quelconque, comme celles qui poussent dans ce secteurs au bord de mer du nord.
Samuel connaît cet endroit magique, car chaque week-end durant l’été, le village organise un festival. Gothique, rock ou punk, tout les genres y passent. C’est justement en allant à un festival reggae que Samuel a connu Ruigoord. Il a rencontré lors de sa dernière visite, cette semaine, une femme, qui disait avoir fait une expérience paranormale.
Frederick, artiste peintre à Ruigoord, comme tous les matins, se lève avant le jour afin de pouvoir profiter du lever du soleil. Il prétend alors s’inspirer des couleurs et des ombres de ce moment special de la journée.
Les couleurs sont plus douces, les ombres sont moins dures. Les formes se dessinent lentement alors que les teintes se dévoilent. La nature s’éveille et la vie diurne se réveille. Seuls quelques bruits sont alors audibles. Les oiseaux chantent, les grenouilles sortent de leurs trous d’eau à l’approche de l’homme. Le ruisseau près duquel il a l’habitude de s’asseoir est à la sortie du village.
Ce matin, en s’y rendant, il a l’agréable surprise d’y croiser Masha.
-« Drôlement matinale aujourd’hui ! Bonjour Masha ! »
Elle ne répond pas à son salut. Il se rapproche d’elle et la surprend à parler toute seule.
-« Et les animaux, eux aussi ils ont ce pouvoir ? Ou plutôt vous, vous pouvez incarner en un animal ? »
- « Bonjour Masha, tu vas bien ? »
Cette fois, elle aura entendu et son sursaut aura surpris Frederick.
- « Ho ! Fred, tu m’as fichu une de ces frousses. » Les deux mains sur la poitrine lui font sentir sont cœur battre puissamment. Elle soupire lentement en replaçant ses mains sur ses cuisses. « Excuse moi de ma réaction, mais je suis toute retournée depuis cette nuit. Je suis fatiguée aussi. Mais oui je vais bien. Merci. » lui dit elle avec un sourire en effet fatigué.
Frederick s’accroupi et la prend dans ses bras pour la saluer.
-« Je suis désolé de t’avoir fait peur » lui dit il en la regardant dans les yeux, « je t’ai entendu parler, tu récitais un poème peut être t’ai je interrompu. Je te dérange ? »
Masha se mis à rire, non pas aux éclats, mais comme s’il venait de lui raconter une histoire amusante.
-« C’est à toi de m’excuser. Tu dois me trouver bizarre ce matin. Il m’arrive une chose… surprenante. Incroyable plutôt. Si je te racontais, tu me prendrais pour une folle. Mais je sais que je peux tout te dire, mais... » elle hésites un moment. Elle plisse les yeux comme si elle faisait un calcul compliqué, puis reprends « mais laisse moi te le dire d’une manière différente de ce que la réalité est. »
Un peu inquiet de trouver son amie dans un état de légère surexcitation de si bonne heure, elle qui est si tranquille, si calme de caractère, il lui demande de bien vouloir lui expliquer si elle est d’accord, ce qui peut la mettre dans cet état, lui faire partager son histoire.
-« Je ne sais pas ce que tu vas en penser, mais écoutes moi si tu veux bien, et à la fin, tu pourras me pauser les questions que tu veux. »
Frederick ouvre grands ses oreilles, mais également ouvre de grands yeux. Il s’assoie près tout d’elle, comme deux intimes, sur la pierre plate et lisse où était déjà assise Masha.
Il se dit qu’il va devoir attendre un moment que ses fesses ne réchauffent cette pierre frigorifiée.
Masha commence :
-« Ce n’est pas si vieux que ça en a l’air. Un scientifique, chercheur en physique quantique, portait ses recherches sur un phénomène appelé « théorie des cordes ». Une petite équipe américaine l’assistait et lorsque celui ci voulu tester, un week-end alors que le laboratoire aurait du être fermé, une idée sur un disque virtuel qu’ils avaient mis au point. » Masha cherche se mots, mais elle donne l’impression de tendre l’oreille. Frederick, lui n’entend que les clapotis de l’eau, et les oiseaux. « Ce procédé, tu m’excuseras Fred, je ne le saisi pas tout à fait moi même, devait être le point de rencontre de plusieurs « dimensions ». Mais le côté virtuel de la chose devait passer dans un niveau physique, concret. Ce disque devait être un point « palpable » de quelques nano-microns dans notre dimension. Par un phénomène aussi incompréhensible pour moi que pour Mark, celui ci fut… happé par le disque de mémoire infinie due aux courbes. »
Il l’interrompit tout bas, en lui demandant qui était ce Mark qu’elle venait de citer.
-« Je vais t’expliquer. Le corps de Mark, le scientifique, fut retrouvé sans vie le jour de l’ouverture du labo, le lundi suivant. » Elle prit un air souriant qui décontenança son interlocuteur.
-« Ca n’a pourtant pas l’air d’être une bonne nouvelle, qu’est ce qui e fait sourire comme ca ? Raconte ! »
-« Je sais, je sais. Laisse moi continuer… Ceci n’est que le commencement de cette histoire.
Ensuite, la science fiction prend le relais, car ce que je vais te dire pourrait m’envoyer directement en hôpital psychiatrique.
Au début, ce matin, je serais aller moi même me faire examiner si les informations que j’ai reçu n’avaient été convaincantes. » Elle prend une inspiration longue et lente, et continu avec toujours un leger sourire :
-« Frederick ! Mark ou plutôt son énergie vitale, est passé de son enveloppe physique, palpable, à un niveau plus spirituel grâce aux courbes, et certains l’appelleraient poltergeist. Dans son état, il a découvert que le nom de klaboterman est celui que l’on doit lui donner. »
Elle marque un pause, regarde Frederick de biais. Elle s’attend à une quelconque réflexion de sa part.
-« Continue ! »
Alors elle reprend -« Il se retrouve bloqué dans un système multidimensionnel. Il est conscient, il est présent, mais personne ne peut le voir, ni lui parler. C’est un fantôme Fred ! Le plus incroyable, c’est que Mark n’est pas comme on peut l’imaginer, volant dans les airs. Non,il se réincarne dans des personnes qui sont susceptibles de l’accueillir.
C’est mon cas. Si j’allais voir un prêtre, il dirait que je suis possédé. Je le suis mais pas par le diable, mais par l’esprit de Mark.
Il s’est retrouvé dans cet état il y à peu près six mois. Je suis la quatrième personne .. à l’héberger.
Je me suis réveillée cette nuit avec une sensation de faim immense, comme si je n’avait rien avalé depuis des semaines.
Je me suis réveillée en me rappelant de mes rêves de la nuit. C’était la première fois que je m’en souvenais de cette sorte. De tous mes rêves. »
Malgré cette histoire invraisemblable, Frederick semble entendre la plus banale des infos. Il sourit à Masha quand elle sourit, et semble être convaincu que ce qu’elle raconte est vrai.
-« C’était incroyable. Je suis descendu à la cuisine et me suis préparé un plat africain dont je ne me doutais pas connaître la recette, tout en mangeant un paquet de gâteaux. Plus je cherchais à me souvenirs de mes rêves, plus ils étaient nets.
Je me voyais petite fille, et vivre toute une période de vie d’écolière. Je me suis souvenu être un vieillard dans une ferme, et j’ai vécu ensuite en plein désert, et je reconnais à présent tous les oiseaux de la région du nord de l’Oural.
Tous mes rêves avaient un point commun, Mark. Il me parlait dans chacun de mes rêves.
J’ai cru être en train de dormir quand, une fois recouchée, j’ai entendu, ou ressenti, c’est difficile à expliquer : cette voix qui aurait pu être la mienne, mais qui venait d’une autre pensée.
Mark se fit entendre et je cru devenir folle. Il a su me calmer en m’affirmant que cela ne durerait pas et que je finirais par me retrouver seule de nouveau dans quelques temps.
Il ne sut pas affirmer la durée de notre « relation » mais il me rassura suffisamment. Je ne pus me rendormir, et je vins ici, où tu m’a trouvé ce matin. »
Elle regarda son ami, avec le regard inquiet de celui qui a fait une bêtise et qui s’attend à se faire taper sur les doigts.
-« Ca semble fou ce que tu me racontes, tu sais Masha. L’âme de ce chercheur est elle avec toi, tu peux l’entendre à tout moment ? Dis moi.. raconte encore… » C’est peut être que la pierre sur laquelle il est assis est encore froide, mais il sent ses genoux bouger tout seuls. Il ne claque pas des dents, mais…
-« On a passé la moitié de la nuit à communiquer, à échanger, bien que pour lui je n’ai plus de secrets. Il connaît à présent tout de ma vie comme si c’était la sienne. Je me souviens également des vies des autres personnes par qui il a transité aussi comme si elles avaient été les miennes.
Il ne sait pas par contre si je me rappellerai de lui après son passage ou des vies traversées, lorsque, au moment venu, il passera ans un corps différent.
Il me dit qu’il préfère rester silencieux la plupart du temps. Faire comme s’il n’était pas là ! »
-« Faire comme s’il n’était pas là » répète Frederick tout bas, « et pourquoi toi ? Il te l’a dit ça ? »
-« Notre lien, notre point commun à tous, Mark croit l’avoir découvert. Il se retrouve à chaque fois dans une personne qui entretient un lien spécial avec la nature. Chaque fois ce fut avec des âmes sensibles. La petite fille était la plus forte, elle parlait aux animaux. Ils ne lui répondaient pas comme on peut le croire, mais son lien était extrêmement fort avec la nature, les arbres, les animaux, le vent. Déjà elle ressentait et était consciente de cette énergie vitale qui nous entoure.
Le vieil homme fut le second. Il ne fut pas étonné de cette relation.
Le troisième fut un amoureux simplement de la nature, défenseur de l’environnement, un peu marginal par sa façon de vivre. Et autiste par sa connaissance de notre environnement. C’est un régal de me souvenir d’eux comme si j’avais vécu leur vie. J’ai pour l’instant tous leurs souvenirs, comme peut l’avoir Mark. » Elle sourit, de bonheur.
Frederick la regarde, et crois profondément en ce qu ‘elle lui dit. Sa confiance aveugle envers cette femme, légèrement plus âgée que lui, mais bien plus fraîche que la plupart des jeunes filles qu’il a put croisé dans sa vie, ne lui fait se poser aucune question. Il sait combien Masha est quelqu’un de gentil. Elle est une des personnes les plus à l’écoute de chacun, et jamais elle ne se permettrait de juger telle ou telle personne.
Son regard perçant le cœur de celui qu’elle écoute peut lui faire avouer ce qu’il a de plus profond en lui. Sa bouche n’est là que pour prononcer des gentillesses. C’est également une des personnes des plus cultivées et des plus curieuses qu’il ai rencontré. Comment douter d’elle ?
Frederick ose lui demander :
-« Et qu’en est il des mauvais souvenirs de chacun ? »
Elle sourit, comme toujours.
-« Que veux tu que je te dise… Je les ai. C’est un poids qui est lourd. J’ai plus de souvenirs douloureux, comme la perte des parents, amis et épouses des hommes. Mais leurs souvenirs de bonheurs avec ces mêmes personnes prennent le dessus. Je dois presque me forcer à me rappeler des mauvais côtés de leur vie, les moments heureux viennent aussitôt. »
Les garderai-je ?
Dois je partir a la recherche de l’un d’eux ? Le plus proche serait ce vieil homme, qui vit
qui reconnaît les âmes nous entourant. Ceux ci sont appelés des Klaboterman, et incarnent un bateau, une maison (que l’on croyait hantée : poltergeists), ou tout objet (être) aimé. La relation, le lien, passe par l’attachement, l’amour donné ou échangé avec les « propriétaires ».
LE GRAND CERF
L’après midi était chaud. Les branches des grands pins d’Australie filtraient les rayons du soleil et protégeait nos deux amoureux qui s’abreuvaient à la rivière.
Seul les clapotis et les oiseaux se faisaient entendre. Lorsqu’ils marchaient, les craquement des branches mortes pouvaient réveiller les éventuels dormeurs de la foret.
La paix qui régnait ici poussa les deux promeneurs à se prouver leur amour, en s’ébattant plusieurs fois dans la prairie qui se trouvait dans cette partie de la foret. C’était la belle saison.
Cette vie simple aurait pu continuer si un terrible bruit de tonnerre vint troubler cette paix.
Et lui, il s’effondra, étonné de sa propre chute. Puis lui vint la douleur. Et à elle, l’affolement.
Elle se colla à lui, incapable de sortir le moindre son. Son regard plongé dans celui de son amour, elle était sous le choc de le voir à terre, de voir son sang s’écouler de son corps. Il était incapable de se relever, malgré ses efforts. Elle tenta de l’encourager, de l’aider, mais ce fut peine perdue. Il resta cloué sur le tapis doux et vert, sur lequel il s’étaient réveiller ce matin l’un contre l’autre.
Aucun mot ne pouvait évidement sortir de leurs gorges, mais on aurait pu deviner ce qu’ils auraient pu se dire.
Elle, le nez collé contre sa joue à lui : -Qu’est ce qu’il t’arrive ? Pourquoi ne te relèves tu pas ?
Mais aucun signe, la douleur suffocante qu’il éprouve à la poitrine l’empêche même de relever la tête. Seuls ses yeux sont mobiles et cherchent une réponse dans ceux de sa belle. Elle, comprend la gravité, et comprend maintenant qu’elle risque de perdre à tout jamais celui qui partage sa vie dans ces bois.
La bouche ouverte, il essai de sortir un son, une parole à sa compagne. Il voudrait lui dire de s’enfuire.
- Ne reste pas là, c’est dangereux ! Mais seuls ses yeux font passer le message. Elle, elle ne peut se résoudre à le laisser. Elle comprend que sa propre vie est en danger, mais comment le laisser agoniser seul, dans l’attente d’une fin terrible ?
Un second coup de feu retentit. Peut etre cinq
SUD DE LA FRANCE
LA CIBOULETTE
Ayant trouvé une place dans un petit camping, il compte trouver une bonne âme sous peu pour le loger à l’œil. Mais aujourd’hui, petit tour en ville.
Saint Tropeziens, Saint Tropeziennes, me voici, se dit Winnie en remontant la rue XXX.
Rien de plus que le rue de Rivoli, en dix fois plus petit, plus lumineux, et la mer en plus. Des petits commerces, vendeurs de souvenirs pour grands tantes des touristes. Des kiosques à journaux, à tabac. Des glaciers et des cartes postales à chaque chiffres impaires de la rue.
Il s’arrête devant un vendeur de glaces. Il a lever le nez au moment où il allait se prendre le panneau dans le front. Un flash, un ordre et il obéit. Il se place dans la file, légère file d’attente, et se demande où il a déjà vu la même décoration. Il attend sagement son tour, alors qu’il n’est pas accro aux glaces.
En fait le marchand de glace fait également vendeur de journaux. Ou inversement, le kiosque à journaux vend des glaces. Mais le petit commerce et toutes ces glaces ont l’air de sortir directement de l’imagination de Winnie. Merveilleux, tout y est. Le présentoir semble trop bas, mais la vue reste fantastique. Et tout de suite, il demande une mangue-chocolat.
-« Ha mais oui ! Le même visage… Vous ne vous appelleriez pas Billy dites donc ? »
-« Ouiii, c’est cela oui. Billy? non, je ne connais pas ! »
-« Billy? ouais c’est bien ça ! C’est bien vous ha ha… Oui oui, je ne me rappelle plus de ton nom de famille, qu’est ce que c’est déjà ? Enfin votre nom, vous êtes grand maintenant ! »
N’aimant guère les inquisitions de ce genre, Winnie répondit, non sèchement, mais désintéressé :
-« Je n’en ai plus mon bon monsieur, je l’ai oublié ! Je peux avoir ma glace ? »
-« ha oui je me rappelle pourquoi on t’appelait Billy l’ourson ! C’est ça hein, dis moi ? »
Le vieux bonhomme tout content d’avoir réussi à se souvenir du nom du petit, ne s’arrête pas dans sa foulée.
-« je me souviens bien de toi, et de ta jolie sœur aussi. Qu’est ce qu’elle est devenue dis donc ? »
A ces mots, Winnie se cabra. « Comment ça ma sœur ? j’ai jamais eu de sœur, là c’est sur vous confondez avec un autre. Je peux avoir ma glace ?»
-« Pardieu non, c’est bien de toi que je parle, oui oui je me souviens maintenant. Ho t’étais tout minot à l’époque .»
Comment ce peut il que ce vieux bonhomme puisse me confondre avec un gamin ayant une sœur, alors que lorsque ..Bref… allez savoir, je me suis retrouver dans un maison d’accueil, enfin une ou deux. Si j’avais eu une sœur, nous nous serions retrouver dans la même famille ? Ou ensuite plus grand elle serait venu me chercher !
Suffit. Son cône à la main, Winnie lui tourne les talons et s’en retourne avec la monnaie qu’il aura oublié de lui donner.
-« M’avoir déjà vu ? Dans ses rêves peut être, en tout cas moi, tu ne me reviens pas Papy. » Winnie, bien que convaincu d’être venu pour la première fois à Ramatuelle cet après midi, ne sais pourquoi mais il se sent à l’aise dans ce paysage de pin, de sable, d’odeur d’iode et de garrigue. Le son des grillons lui sont familiers. Il se sent agréablement accueilli, et se dit que ce sentiment de déjà vu vient sûrement des gendarmes et des gendarmettes. Quiconque ayant vu le sergent Cruchaut croit reconnaître Saint Tropez comme après y être déjà venu en deux chevaux.
Mais Winnie, c’et pas courant comme nom… Comment a t il ..
Apres avoir emprunté un vélo négligemment oublié près de la poste, qui se situe non loin de la gendarmerie, mais cela, Winnie l’ignorait, il se dirige vers le Sénéchal, un restaurant des plus cotés de St Trop’.
Trop de monde pour lui, touristes, m’as tu vu, et beaux de tout genre, le port n’est pas le lieu idéal pour se défaire les nœuds de l’esprit. La plage de Ramatuelle, en vélo, ce doit se faire facilement, Ménilmontant à côté de ça, c’est du pipi de Sansonnet.
Bien que présomptueux, il ne faiblit pas face aux différentes montées qui se présentaient à son guidon. Il poussa le vice d’aller tenter de boire une bière à Gassin, soit disant un des plus beaux villages de France. « Allons voir ça, se dit il, je me ferais une idée. »
Apres une bonne demi heure de vélo, il arriva face à un panneau signalétique lui informant qu’il était bel et bien arrivé à Gassin. Encore fusse t il grimper cette effroyable montée qui se découvrait à lui. Gassin était un petit village, tout en hauteur. Mais, peu après ce panneau mis un peu trop à la hâte à la vue des visiteurs, s’en trouva un second, à la bonne place celui ci, indiquant qu’il se trouvait à l’entrée de la Villa de Belieu. Ce nom lui dit immédiatement quelque chose. Comme un nom que l’on cherchait durant une journée, et que l’on croit avoir retrouver comme par un claquement de doigt, mais qui disparaît aussitôt. Cela lui fit cet effet, il faillit se rappeler quand et où il avait lu ce nom. Il avait beau le lire et le relire, rien. Il monta la cote qui menait à village fleuri. La route était pentu, et il accompagna son vélo en marchant, il pensait déjà à cette descente de fou qui l’attendait au retour. Durant sa montée, il aperçu par ici, entre les feuillages des grands arbres qui protégeaient la maison des voyeurs tels que lui, de brèves parties de la cour. Apres avoir traversé un large parking, les visiteurs étaient accueilli par un double escalier en courbe, fait de pierres blanches, menant à une belle et somptueuse porte en bois, elle également, blanche.
Le reste, il ne pouvait que se l’imaginer. Justement, il imaginait l’intérieur fait comme un musée. Il voyait un buste en or, un buste de général, ou de quelqu’un d’important pour que l’on ai pris le soin d’en faire une statue dorée. Puis il imaginait, tout en poussant son bicycle, des tableaux, des tentures, des fauteuils comme on en voit à Versailles, des tapis épais, une cage aussi, avec un oiseau des îles y répétant son nom. Et enfin une salle de jeu, avec d’autres statues d’autres gens célèbres. Et puis, le voici arrivant à une petite place, où se sont garés les moins vaillant, venus en voiture. Au milieu de ce parking, un mur arrondi lui fait face, du haut de ce mur de pierre de la région, une petite fontaine, il s’y rafraîchi les pieds, et contemple du haut de cette route qui s’est faite sans efforts, ou presque, ses pensées occupées à d’autres images que ce mur d’asphalte.
Derrière lui, une autre place, avec un restaurant. « la Ciboulette », voilà un joli nom, il plait à Winnie, et ne cherche pas plus loin, il y entre.
Une petite terrasse d’une quinzaine de places, et une salle moitie plus petite. La cuisine est au fond de cette salle, et semble minuscule, faite pour un seul homme.
Assis, Winnie attend que l’on vienne prendre sa commande. Un gros moustachu vient lui demander ce qu’il prend, sans bonjour, sans sourire. L’habitude de se retrouver face à des parisiens irascibles, ne disant ni bonjour ni au revoir. Du coup le moustachu prend les devant, ce qui ne plait pas à Winnie, qui se charge de lui remettre les moustache droite en lui répétant trois bonjour le ton un peu sec, les yeux dans les yeux lorsqu’il revient avec son verre.
-« Qu’est ce qu’il a le parisien, il est de mauvaise humeur ? pas assez rapide pour lui le demi ? »
-« Ca dépend, si vous vous sentez agressé par mon bonjour ce n’est peut être pas moi qui ai un problème, Dugland ! »
Le poing sur la table fait se retourner les quelques buveurs autour d’eux, et du coup, fait sortir le chef de sa cuisine.
-« Quoi ? Patrick, qu’est ce qu’il y encore ? Monsieur n’a pas la monnaie, qu’est ce qu’il a, quoi ? Bonjour Monsieur, qu’y t a t il, quel est le problème ? »
A la vue de ce chef, qui à tout l’air de sortir d’une comédie, changeant de ton entre son serveur, qu’il avait d’irrité, l’habitude de le remettre à sa place sans doute, et le chagrin face à son client, Winnie voit en lui un allié. Lui expliquant son affaire, face à un Patrick rageur, puis boudeur lorsque le chef le renvoie en service.
-« C’est un enculé, ce Patrick. Personne peut le blairer. Je sais pas pourquoi il le renvoie pas ce patron à la manque. Déjà qu’il me faudrait un aide en cuisine, et il tarde pour les annonces. La saison va commencer et je reste là comme un con, à trimer comme un chien au milieu de minables qui savent rien faire avec leurs dix doigts. J’te jure ! »
-« Si vous voulez, je peux travailler avec vous. Je travaillais dans une brasserie à Bastille avant de venir ici. Ca à l’air plus calme que sur Paris ici, et largement plus petit aussi. »
Assis tout deux face à face, le petit interrogatoire de convenance.
La bière lui fut offerte, et la discussion tourna à présent autour de la passion d’Yvan. Cet ardéchois, marié à une Brésilienne, avait le sport dans la peau, sans doute depuis peu, et avait comme rêve d’ouvrir une salle de culturisme à Rio. Winnie joua les maîtres Renard, et reçu un beau tablier de second en guise de fromage.
Oh combien l ‘air bourru d’Yvan n’avait rien à voir avec sa gentillesse.
«Il est cependant vrai que lorsque tu t’échauffes, tu montes très vite dans les tours. Hein, c’est vrai ! » lui dira bientôt Winnie, après une journée de travail.
VII
LA CIBOULETTE ET DAR
Le premier jour de travail avec Yvan fut une quasi catastrophe. Mais s’étant amouracher de lui, le chef laissa une chance au novice. Ce n’est pas tous les jours qu’il peut trouver un fana de musculation comme lui, et quelqu’un avec qui faire des misères à ce patrick.
Il a tous les défauts du monde d’ailleurs ce serveur. Yvan l’aura surpris un jour à la fin de son service à fumer autre chose qu’une cigarette. Depuis, il l’a en grippe.
Winnie ne comprend pas non plus comment on peut prendre plaisir à fumer ce genre de choses, lui qui fait si attention à sa santé.
-« Je ne sais vraiment pas pourquoi je le garde celui la. Un coureur, un drogué, et un aventurier ! »
-« Un junky je vois ca, mais un aventurier et un coureur, je comprend pas trop. Mou comme il est, il doit pas trop attirer les filles. Et avé son assent, il a pas du aller très loing celui là! »
Voilà ces deux nouveaux complices à rigoler comme des fadas dans la cuisine. Au moment de faire les préparatifs du midi, Yvan lui raconte qu’avant de venir travailler à la Ciboulette, Patrick avait passé quelques semaines en Afrique.
-« En Tanzanie peut etre bien ! »
Apres sa journée, Winnie salue Yvan, lui disant avoir un rendez vous pour pouvoir s’échapper de leur habituel vers autour duquel ils échangent leurs impressions sur tel ou tel exercice, pour développer telle ou telle partie du corps. Sans être connaisseur, Winnie s’en sort toujours par son savoir faire. Il laisse son interlocuteur parler, et parler. Ce soir donc, il s’échappe. Mais c’est pour rejoindre l’ennemi qu’il laise partir le chef sur sa Vespa.
Au sortir de son hôtel, Patrick s’empresse de demander à quelqu’un lui semblant de confiance l’itinéraire le plus facile afin d’atteindre son but. Un jeune quinqua, une chemise bien fermée, devant un gros quatre-quatre. Une bonne figure fut assez. Il lui semblait que la route ne serait point périlleuse, et selon les dire de son informateur, il s’avérait que le chemin ne comporta effectivement pas de problèmes. Deux virages à droite, suivant les routes principales, voilà le détail du plan de route. La clinique sur la droite du chemin.
Apres une demi heure de marche, « Premier Care Clinic » en vue.
Les indications données à Winnie à la dernière intersection n’auraient été sans doute d’aucune utilités, l’envoyant on ne sais où. Il y est de ces mouvements du corps que l’on ne retrouve que dans un pays, ou un région. En Tanzanie, monter les sourcils à plusieurs reprises pourrait indiquer « Pff, sais pas ! ». En effet, ces gens bien intentionnés regardaient dans bien des directions, mais la bonne a été soigneusement évitée, après ce regard qui ne sembla pas si interrogateur aux yeux de Winnie. Le taxi à qui il alla se rassurer de son itinéraire, quand à lui, le renseigna plus que qu’il ne fallut. Il lui fournit tout un tas de détails et de conseils bien inutiles.. Il n’eut qu’a longer la route sur laquelle il était, et devait passer devant après cinq minutes de marche.
Qu’importe, le voilà arrivé. Son but aujourd’hui fut le restaurant où il comptait pour une fois changer son menu. Accolé à la clinique, Winnie l’avait repéré lors de son premier passage à « premier care ».
Bien que peu exotique, ce fast food à l’occidental est propre, spacieux, un peu à l’américaine, et la nourriture y est également extraordinaire pour le pays. Plats indiens, chinois, italiens avec de fabuleuses pizzas. Fabuleuses après n’avoir mangé que du riz, des frites, ou du pilau pendant six semaines. Tout écart sur le régime alimentaire doit être perçu comme un cadeau.
Tout fait croire que l’on se trouve dans un restaurant d’une aire d’autoroute. Les tenues du staff étant jaune, un burger dans le dos, en dessous de « best bite » reprenant le nom de la place, fait penser à l’animation d’une ruche.
Devant son assiette de pâtes au poulet, Patrick apprécie le défilement des serveurs, des consommateurs venus chercher avec leurs enfants des barbes à papa, des glaces roses, jaunes, des jus de fruits de toutes couleurs également. Climatisé, le restaurant ne laisse pas percevoir la température extérieure, qui comme toujours est harassante. Le vent souffle cependant et les palmiers, de la fenêtre, semblent agités.
En écoutant R.E.M, il se sent dépaysé. Dépaysé de ce pays aux extrémité de l’Afrique. Perdu, il ne sais plus dans quel coin du monde il pourrait se trouver devant son assiette fumante. Un beau brun aux yeux bleus accompagné d’une charmante Tanzanienne, s’installent en le saluant. Lui, s’assied en tournant le dos à Winnie, et ainsi tout les deux peuvent regarder le joli visage d’Aisha. Il est clair qu’ils ne se connaissent pas depuis longtemps, mais semblent très proches.
David est Canadien, est passe trois semaines de vacances en Tanzanie. Safari et plages sont les seuls programmes prévus pour lui. Et puis il y a eu leur rencontre.
Tourisme intéressé par la nourriture ? Par la beauté de Dar es Salam ? Par la beauté de ces habitantes ?
Encore une fois, l’attitude de ces amoureux ne ment pas. La comédie ne passe pas. Dans les rires, on sent l’exagération. Dans les regards fuyant de l’indigène on perçoit le désintérêt porté à celui ou celle qui est de tout cœur dans cette relation. L’un est entré dans une relation amoureuse, l’autre dans une relation où l’hypocrisie est la clef de la réussite. Tromperie. Business. Patrick se trouve à mépriser ses amants de touristes. Nombres de femmes rencontrées sur les îles se sont faites avoir, et continuent une fois rentrées chez elles, car le téléphone de l’Afrique pleure.
Le restaurant ne désemplit pas. Bientôt quatre heures de l’après midi et les plats en sauce se font servir, à coté de burgers, de pizzas, de riz… la musique est à présent inaudible. Il est temps de partir et de retrouver sa chambre si douillette.
Une petite fille en débardeur bleu, boucles d’oreilles dorées, et de longues tresses relâchées, son chouchou au poignet, déguste une de ces glaces aux couleurs attrayantes. Peut être, avant de partir, ne se laisserait il pas tenter lui aussi par une de ces crèmes glacées !
Bien lui en fut. Depuis longtemps il avait oublié combien les africains pouvaient avoir de l’élégance dans l’habillement. Et voilà que pour lui en rappeler l’exactitude, une famille entre dans le Best Bite. Costume pour les deux hommes dont un avec chemise violette, robes violette pour la maman, et t-shirt violet pour un des deux garçons qui les accompagnent. La maman s’est faite une coupe que l’on ne pourrait imaginer que sur la tête d’un mannequin.
-« Quoi est ce donc que tu pourrais bien penser d’mon amie là ?
La trouves tu point bien jolie ? Ne t’inquiètes donc point, elle comprend point l’français ! »
-« Oui, d’ailleurs moi même ai du mal à vous entendre, mon cher ami francophone.
Mais oui oui, tu es bien tombé. Elle est plutôt jolie celle là. »
-« Parce que elle, à elle tu reviens bien, sais tu ? »
-« Je suis toujours en retard d’un train. Too late milady! »
-« Oh non c’est point dommageable, on a de la place chez nous autre. Viens donc boire un verre de l’amitié à l’hôtel. »
-« Pourquoi pas ? » En effet , Patrick se retrouve en compagnie d’un couple assez ouvert.
STOWN TOWN
-«400 pour les deux ? » Je me suis fais arnaqué chez l autre, là ! c’est le jeu, d’accord, les mzungu sont ici pour faire marcher le commerce, mais il s est trompé en me prenant pour un touriste l’autre voleur. A 250 pièce, il m a fait raquer de 100 shillings en plus. Je le saurais maintenant qu un paquet de Glucose coute 200 shillings et pas 250. 1 cent le gâteau ça va pas loin, je ne vais pas tergiverser la dessus des heures.
Accompagné d’une Camel, d’un Coca, le tout ne me coûte vraiment pas un bras.
On va finir pas me prendre pour un pingre a parler comme ça de bouts de chandelles. Et mal placé pour l’occasion.
J en grille une face au beach boy qui m a indiqué où poser mon baluchon. La vache, il m‘escroque lui aussi de 1000 shillinggs, dés mon arrivée à Unguja. Mais je ne lui en refuse quand même pas une.
Maintenant je suis rodé, je me débrouille tout seul. Il faut être prit pour être apprit dit on. Apres trois semaines ici, je connais les taros. Et les us et coutumes.
Ces beach boys n’ont que des petits boulots pour survivre. Vente de cd –Hakuna Matata, jumbo jumbo, la « célèbre » musique tanzanienne-, d’épices, de babioles en tous genres, ou de t shirts, sont les seuls revenus possibles pour beaucoup de locaux.
Owayu est originaire de Bububu, un petit bled pres de Stone Town, contrairement à la plupart de autres qui viennent de Dar es Salam. On a sympathisé assez vite, lui et moi, et c’est avec plaisir que l on se croise dans les rues de Old Stown Town ! il me raconte un jour pourquoi on appelle son village Bububu.
Tout début du XXème siècle, les villageois rentrant chez eux, partis de Stone Town, empruntaient la première voix ferrée de l’ile. La vieille loco faisait un bruit sourd. Bouh.. bouh…bouh… bouh… Le nom tout trouvé par les zanzibaris était facile à comprendre.
Le surnom de Owayu vient également d’une phonétique mal interprétée. Lorsqu il a commencé à travailler avec les touristes, il avait du mal à prononcer la phrase toute simple demandant aux british comment ils allaient !
Tout en parlant, on avance dans les rues de Stone Town, on arrive maintenant à Shangani street, après s’être rencontré à de Vunguni road, il nous aura fallut moins de dix minutes. On est passé devant le restaurant de Manssour, sur Gizenga street, mais surtout devant au moins une vingtaine de boutiques de souvenirs artisanaux.
Et c’est donc devant l’Africa House que l’on se sépare, lui continuant sa quête de touristes, et moi m’en allant à mon rendez vous, fixé à la terrasse du bar, le bien nommé Sunset bar.
J’ai le temps d’apprécier une fois de plus le paysage. Le Pacifique à ma gauche, j’ai à loisir de contempler les pêcheurs sur leur rafiots en sirotant un jus d’ananas. Toutes voiles dehors, ils vont à leur tour chercher leur pécule.
Peu de temps après l’horaire fixé, mon pilote arrive. J’ai été présenté par Mohammed à Zackari, pilote de son état. On a sympathisé et le voilà embauché pour me conduire sur le banc de sable que j’ai pu encore une fois regarder avec envie, en l’attendant.
Salam alaykoum de rigueur, on se sert la main, à la manière des tanzaniens. Idem les rappeurs. Ils n ont rien inventé ceux la ! Poignée normale, prise de pouce, retour à la normale. Deux fois.
-« Habari ? poa ! na wewe, enzuri ? »
Un verre est commandé et on discute de mon séjour.
…
Il est temps pour nous de nous quitter, après avoir prit rendez vous pour le lendemain, dix heures. L’heure étant au souper, je préfère me rendre dans un resto local, moins cher que ceux réservé aux touristes, ou les prix peuvent, sans abuser, simplement doubler, ou carrément être décuplés. Avant de m’attabler, je vais chercher mon pain directement chez les producteurs, « at the beckerry ». Le prix d’une cigarette pour un pain tout chaud, il n’y a pas a hésiter. Ce soir, le spectacle est présent. Une mama est là, elle est venue avec son enfant chercher quelques pains, elle aussi. Ce petit homme de quatre ans à tout casser l’attend dehors, je pense qu il n aime pas trop la chaleur étouffante qui règne à cote des fourneaux. A mon arrivée, je peux le regarder avec plaisir s ‘approcher d’une affiche d’un nombreux tours opperators proposant des safaris. Sur cette affiche un lion y est forcement représenté, et le petit le regarde tout émerveillé. Il s’en rapproche et lui parle.
-« Simba ? » Il espère que celui ci connaît également son nom, et qu’il va lui parler comme il le fait. Attendrissante image. Mais mon estomac n’a pas d’yeux, et je m’enfourne dans l’usine à pain. Il y fait au moins cinquante degrés. Les hommes sortent de cet enfer toutes les deux heures pour respirer. Et des quarts sont imposés toutes les six heures. Je commande donc mes pains du soirs, différents de ceux que j’aime manger le matin, retirés à la porte d’à coté. A chacun son enfer. Celui de ce soir est carré, croustillant, et ressemble au pain de chez moi. J’en commande deux, discute un moment avec l’équipe. On échange alors des mots en swahili, en français. Mais on s’explique le tout en anglais.
Pain en poche, ou plutôt jonglant avec d’une main à l autre tellement leur chaleur est encore intense, je connais l’endroit où me rendre pour les tremper dans un bol de haricots. Ce soir pas riz mais juste mes flageolets, accompagnés d’un thé du crut.
NUNGWY
ROBERTINO
Depuis maintenant deux semaines, Winnie se lève avec l’appel à la prière de cinq heure. La mosquée la plus proche se trouve à moins de cent mètres de sa chambre. Petite mosquée, mais bons hauts parleurs. Il en profite pour rejoindre la mode qui oblige toutes les plages du monde à voir courir toute une bande d’énergumènes avant le lever du soleil.
Il s’inscrit comme énergumène. Un peu de touristes, beaucoup de locaux. Les fishermen gardent vraiment la forme. Il y a là aussi quelques beach boys qui courent. Certains font des acrobaties, comme à Stone Town. Le temps d’aller à l’aquarium -comme ca il l’aura été le voir- et de revenir à son point de départ, il aura eu le temps de croiser plusieurs fois les mêmes têtes d’entraînés. Habitués, ils se permettent de faire plus de distance. En moins de temps. Bon nombres se seront « arrêtés » un instant à leur côté, le temps de discuter un peu avec Ramon qui l’accompagne ce matin.
Depuis quinze jours, à raison de trois fois par semaine, Winnie court ses vingt minutes.
Au bout de cinq minutes déjà, aujourd’hui, il veux aller dans l’eau plus clair que jamais à l’aurore. Sa séance du jour lui paraît cent fois plus dure que les précédentes encore. Ce doit sûrement être ce que ressentent les marathoniens lors de leur « mur ».
Petite pause stretching. Le temps de se détendre un peu en admirant ces sauts périlleux. Rebonds sur un pneu. Avant, arrière. Très aérien ce matin. Winnie retourne se coucher.
Robertino, quand à lui, c’est le bruit des vagues qui le réveil chaque matin.
Une fois levé, il se dirige lentement vers la plage. Il n’a qu’une quarantaine de pas à faire pour avoir les pieds dans l’eau. On attend le soleil sous peu, mais sa journée à lui commence par un footing le long de la plage, et aujourd’hui, il va voir un peu les progrès de Winnie. L’aller ne sera pas suffisant pour le fatiguer. La fin de la course s’annonce en solo.
Terminer sa séance par aller nager dans cet océan qui a prit des couleurs, et dont la température est juste accueillante après ce parcours sur la plage : « C’est le pied ! », pense t-il.
Douche suivis d’un café et de deux brioches. Second café et cigarette. Début de journée agréable. Comme d’habitude pour cet ancien rugbyman professionnel depuis trois mois ici.
Il va s’en suivre par une mise en place de la plage, afin de la rendre encore plus accueillante qu’elle ne l’est.
Le temps n’est pas réglé comme partout ailleurs. Sans client le bar ne peut être qu’un repère d’affreux rastas. Alors la musique donne le ton, et le temps passe. Il passe bien.
De la fenêtre donnant sur le sud, il aperçoit évidement la plage, et la criée. Les pêcheurs qui débarquent leurs poissons du jour, ou de la nuit. Certains bateaux reviennent de toute une nuit de travail pour ne rapporter qu’un poisson . Certains pêcheurs rentrent en chantant, filets pleins ou vides. Comme partout, dans toutes les villes ou villages, aussi petits qu’ils soient, il existe deux lieux constants dans la physionomie de la commune. Il y a partout au moins un terrain de foot, et une mosquée. Mais c’est surtout un de ces terrains de foot qui est justement visible, et qui le fait rester appuyé sur le bord de cette fenêtre. Les gamins jouent aussi bien les singes sur les cages de foot, qu’ils ne jouent au ballon comme des chefs. Les plus petits ont déjà un maillot de l’équipe d’Espagne, ou de Zanzibar ou encore de leur joueur préféré. Petites chaussures de foot ou pieds nus, les gamins s’amusent littéralement avec le ballon. S’ils ne vont pas à l’école, on peut remercier par exemple Henry ! Si Ramon regarde par cette fenêtre, c’est justement pour voir les petits s’entraîner.
Il doit être avant huit heures chez Mama Aisha s’il veut avoir un peu de porridge et quelques beignets.
Ses claquettes aux pieds, il prend la direction du village pour y prendre un véritable breakfast. L’endroit où il se rend n’a pas de nom officiel. La place pour la nourriture. La place pour acheter les fruits. La place pour acheter le pain. La place pour les chipsis du midi. La place pour les beans du soir. La place pour acheter les juices. Pas la place pour acheter des ubuy. Mais la place pour prendre son thé le matin.
Deux pains achetés pour trois cent shillings d’un coté de la place. Le thé à cent, dans le Morning Star Restaurant de l’autre coté. Cent de plus pour un beignet. Winnie mange son pain et boit son thé au clou de girofle. Entre la télévision et lui, le patron est retourné dormir sur sa chaise. Ronflements contre l’assemblée en swahili, il n’y pas trop de pertes. Le plus incommodant, ces mouches qui se sont assemblées comme tout les jours dans la même pièce que Winnie et qui tournent autour de ce qu’il a dans son assiette.
Reste la moitie de son billet de mille, assez pour cinq paquets de ubuyu, justement sur une autre place.
Sur le chemin du retour, Winnie songe au métro parisien. Il lui semble alors qu’il ne lui manque vraiment pas. Son luxe à lui c’est de diminuer son allure en y pensant. Le voilà presque à traîner des pieds. Chemins de sables, bosselés, de belles flaques dans des lieus stratégiques, et le soleil omniprésent, il est bien loin du métro. Entre les maisons, les ruelles sont plus praticables car piétonne. Ni poules ni chèvres ne sont une menace pour les enfants. Entre les murs de ces deux maisons, des cordes à linge. La porte de celle ci est faite en bidons de métal découpés. Cette porte là est ouverte. En jetant un œil, on peut voir une toute petite cour. Une femme sous un parapluie, assise par terre, prépare un mélange de légumes. Et un très jeune enfant joue avec un couvercle en plastique jaune. Lui est en plein soleil.
Peut être un cul de sac ? Non, le dédale continue bien ici. Les cris provenant d’une école indiquent à Winnie qu’il est dans une aire connue. Le pneu qui émerge à cette intersection est familier. Comme le pneu suivant et encore celui qui suit.
Cette petite place est bien celle qu’il fréquente habituellement. Le drapeau CUF, en piteux état, est la borne de demi parcours. Il flotte au soleil. Ensuite… ? L’énervement qui suit une erreur de parcours ne semble pas l’aider. Ne pas suivre les chèvres est un conseil, à suivre.. Avec de la chance, l’insolation ne le tuera pas. Mais le soleil risque de le rendre aveugle. Ne regardant le sol qu’à brève reprise, et lâchant des larmes lui brûlant les yeux par la même occasion, il ne choisit pas les sentiers les plus connus. Il se laisse attirer par une musique, indienne lui semble t il. Plus il s’en approche, plus il se détend en l’écoutant. Le son provient de derrière cette grille qui sert de fenêtre. Il ne s’arrête pas, mais retrouve un croisement. Et le soleil qui revient, mais avec une légère brise qui ravive Winnie. Ces deux morceaux de bois au sol, enterrés pour laisser passer les roues des vélos, ont créé un petit choc aux orteils du rêveur. Il se retrouve. Suivre à droite et on retombe sur le drapeau. A gauche toute alors. Cette rue est celle où la veille il failli recevoir un projectile lancé d’une maison pour atterrir sur le mur opposé . Le petit camion en plastique s’est vu explosé par le bambin d’à peine quatre ans. Un « rasta baby ». Un sale gosse à ce que l’on raconte. Les chèvres ne sont pas un bon indicateur de localisation, mais celles ci sont toujours flanquées ici, à explorer la décharge. Cette toute petite déchèterie est elle même à un soupir de son guest house, qu’il laissera sortir une fois arrivé. Enfin.
Le bar est vide. Aucun watchman. Les chiens sont bien là. Un petit jeu s’impose avec deux d’entre eux et gare aux griffes.
Enfin Chili s’octroie une pause. Il arrive vers Ramon avec un verre et un jeu de domino. Ils décident de prendre un peu de temps pour quelques parties.
ONZE HEURES
Après un repas en silence en compagnie de l’équipe cuistot Buddy et Superman Chili, Ramon ne veux pas de café pour garder en bouche cette saveur laissée par la sauce. Il s’allonge au soleil sur un transat traditionnel en corde.
Réveil en musique, le courant est revenu.
Il retrouve pour une bière ses compagnons de bière, à deux heures de l’après après midi. La journée continuera toute seule, simplement à ne rien faire qu’à regarder les vagues, avec éventuellement un roman entre les mains.
Au départ de Buddy -il arrête de bosser vers vingt heures pour retrouver sa petite fille de trois mois- le dernier verre est un rituel. Et Ramon s’y joint souvent. Ils se retrouve donc assis dans un ancien bateau de pêche aménagé en squat, où ils ont aussi l’habitudes de fumer. Buddy parti, Chili se retrouve un peu seul avec son caca.
Ca lui vient comme une envie de pisser ! C’est du moins l’expression qui irait le mieux pour la situation. Ramon se lève du bar, et derrière lui, après l’estrade, le sable blond l’attend encore, et il file vers la salle d’eau.
« Ha ! Aller faire un p’tit pissou après une balade dans le sable, ce dit il, c’est ma fois bien sympa ! »
Il s’avance avec Tiken Jah Fakoli. Il n’a pas le temps de compter jusqu’à seize temps que le jardin est traversé et la salle d’eau atteinte. Buddy en profite pour prendre son paquet de feuilles. Et le mettre sous une revue. Revues placées entre les affaires de Ramon et pilier de bar. Déjà, trois en rigolent d’avance. Winnie se joint à eux. Et la conversation en swahili continu, Winnie faignant l’air de comprendre. Ramon toujours éclatant, se joint à la conversation d’entrée. Stupeur, impossible de faire quoi que ce soit, ses papiers manquent. Sourires de tous peu inquiets, et désenchantement de Winnie lorsque Ramon s’adresse à lui pour les retrouver.
« Pourquoi moi ? la vache il n’a pas confiance en moi le spanish. » se dit il, surpris.
D’un ton plus que sérieux, Winnie lui montre la cachette et lui annonce ne pas être l’auteur de cette blague. Le désenchantement continue. L’équipe de watchmen et Chris ne comprennent pas la chute de l’histoire. Aucunement drôle. Ramon ne prononce aucunes paroles d’excuses et semble de nouveau être dans la conversation.. Légèrement vexé, Winnie s’installe dans une position de recul. Un peu plus tard, Ramon s’installe sur une chaise en bois et peau de chèvre. Les pieds dans le sable, les bras ballants. La tête en arrière avec le regard tourné vers le ciel. Rejoint rapidement par Chili imitant le moribond.
-« hey, caca ! Mambo? »
-«Poa! Karibu !»
-«Asante! Habari ?»
-«Working! Hé hé hé»
-«Poa! Poa !»
Tout les deux se retrouvent dans la même position. Chili regarde le ciel, d’un bleu extrêmement foncé. Il aperçoit toutes ces étoiles, tellement qu’il ne peut imaginer les compter. Ne serait ce qu’en ne comptant que celles se trouvant entre les deux feuilles de palmier, juste au dessus de lui, le visage face à cette fenêtre vers l’infini. Ramon compte les poutres qui ont servies pour le bar uniquement : douze. Il a également compté les planches du plafond : quarante deux. Les troncs qui ont servis à faire le zinc : quatorze. En tournant la tête sur le coté, il a put voir Chris et Buddy affrontant Winnie. Un peu à l’écart, Chris retrouve son tic, ou son toc. Il chasse frénétiquement les moustique autour de son visage pendant une seconde en agitant ses mains comme une folle. Les moustiques n’ont pourtant pas mis la sauce. A regarder de la sorte avec patience, Ramon voit son cobaye avoir d’autres petits mouvements impulsifs. Fermer rapidement les yeux puis les ouvrir en grand, tout en tirant tout le visage vers le bas. Les yeux tournés vers le haut. Révulsés ? Une fraction de seconde pour l’ensemble du travail.
Buddy l’interpelle et le sort de ce semi coma attentif.
-« Hujambo ? »
-« Sijambo. Na wewe, Hujambo ? »
-«Hé hé, sijambo!»
Trop d’étoiles pour Chili. Trop de feuilles de palmier. Trop de palmiers.
Voyant Chili fouillé dans ses poches, Ramon lui demande :
-« Hey ? Widi time ? »
-« Anytime is a good time for good things. »
-«Al Amdullila !» lui répondit il.
Il se retrouve donc avec son partenaire de bière de la nuit à faire quelques pas sur le sable.
A quelques pas de l’océan, ils sont installés sous un parasol en palme, un arbre centenaire en rondelle sous les talons. On trouve des coquillages à une coudée. Celui qui est sur la table, énorme, est fort utile. La nature a quand même tout prévu, pense t il. Le bruit, puissant, des vagues surpassent les enceintes chinoises du bar. Douce harmonies des sons. Impossible de dire qui passe pour le moment, mais sa musique est également enivrante. Doux reggae. Berceuse des îles.
Toute sa vie, Chili a écouté les meilleurs joueurs de reggae , de ska, de ragga : Peter Tosh, Gregory Isaacs, Delroy Wilson… Fils de l’Océan. Et fils du Soleil.
Sa journée se termine enfin. Après une nuit blanche, se voir enchaîner par un breakfast gargantuesque à préparer pour quatre touristes sud africains. Ils sont arrivés à sept heures pétantes et repartis plutôt satisfaits vers dix. Le nettoyage de la cuisine attendra bien qu’il aille voir l’avancée des travaux. Les nouveaux sanitaires, avec douches et lavabo sont prévus opérationnels pour demain matin. Le prédisposé maçon œuvre à grosse gouttes de sueur. Rassuré, retour en cuisine pour l’homme aux mille tabliers. Et là, beaucoup de boulot. Apres son service en cuisine, il va jouer du balais sur l’estrade. Mais aussi sur le sable. On voit en effet la différence ente un sable balayé, et un sable non balayé. Beaucoup de clients pour le bar depuis ce matin. Il aura eu raison de remercier ses invités. L’après midi aura eu ses peines. Les nombreux passages de clients, d’amis, bien du monde dont il aura fallu s’occuper. Livraisons. Différents allers retours au village, pour une épice qui manque, un caprice d’un client, il n’aura pas chaumé.
Il semble que la journée à été longue pour Chili.
DEUXIEME REVEIL DE WINNIE
Onze heures et deuxième réveil.
Mettant son pantalon, Winnie prend de l’argent pour payer son petit dejeuner. Il descend les rondins qui le mènent au sable.
Il voit Ramon et Chili en train de jouer aux dominos.
-« Ca va les gars ? Tranquille la vie ici. Je vais aussi m’installer moi ! »
Après avoir bossé une heure ou un peu plus, Winnie fit un somme.
LA NUIT AU VILLAGE POUR WINNIE
Winnie se lève de sa place et monte dans son bungalow. En cinq sept, il se retrouve dans sa chambre qui lui sert également de bureau.
Il se prépare un petit paquet de gâteaux, et cherche du papier, mais il n’en a plus apparemment assez. Besoin de papier pour bosser, il s’en va donc en chercher au village.
La misère… quelle idée de partir maintenant. Il faut être motivé, je te le dis moi, pour aller se perdre dans le bled à cette heure. Sans ce fichu cadeau de l’autre là, rien ne serait visible par cette nuit sans lune. Merci quand même.
Plus de bruit de vagues, remplacé avec horreur par ce vent qui traîne derrière lui un son grave et déprimé. Il agonise. Les travaux après la décharge ont quand même avancés, en fait. Pas super vite, mais bon. Fameux raccourci que l’on se permettait en traversant la maison laissée en plan ! Un papi sourd doit regarder un Hitchcock à fond, ou un film d’horreur indien, ce qui met ans l’ambiance. Maintenant que les travaux ont repris, la contourner est préférable. Y a peut être quelqu’un. Ca rajoute une distance incroyable. Grâce à ces murs qui grimpent jour après jour, le chemin lui même est différent, un poil plus angoissant. Des coins en plus, une montagne de parpaings juste avant le coupe gorge, ça fait sympa, et moins de lumière encore, super. Ha oui, faut être motivé, je te jure. A gauche, après le dernier parpaing pausé se laissent entendrent des voix. Discussion entre amis. Une dizaine de pas à faire et les voix restent derrière. Hop, le lieu de l’attentat au camion est vite passé, que revoilà enfin un peu de lumière. Les ampoules qui éclairent le village sont disséminées ont ne sait de quelle manière. Il y en a deux ici, et pourtant … rien à voir, et un peu plus loin, tout droit, aucune lumière alors que c’est un « large » carrefour. Allez savoir !
Bref ! sorti de cette zone de lumière, virage à gauche, et … rien ! On voit rien, nuit noire ! Connaissant la route et la torche allumée dans la main, ça devrait heureusement le faire. Ces fichues jambes ne semblent pas si lourdes, mais pourtant avancer est difficile. Sûrement ces nids de poules à échelle humaine. Bagdad ? Non non, Nungwy. Les trous qui arrivent à faire peur à des 4X4, il faut s’en méfier. Il faut, aie, faire gaffe aux rochers du petit Poucet, abandonnés devant certaines maisons. Pour faire joli ? Pour embêter les touristes la nuit?
Mais bientôt, ha non : déjà, la place du drapeau. Le bon drapeau CUF à la bonne place. Personne ce soir, sur la place ? Tout droit et la droguerie sera à portée de main. Un léger décalage sur la gauche, continuons sur la bonne voie !
Arrivé. Bureau ouvert. Jumbo-baday et demi tour. La mama était de bonne humeur ce soir. Elle à qui il est difficile de faire sortir une politesse, la voilà ce soir à être tout sourire. Mystère… Mystère…
Même route aussi longue en sens inverse. Ca va être dur. Mais ça vaut le coup.
Il y a un petit raccourci que l’on va éviter de tenter ce soir, car si la nuit tous les chats sont gris, les petits chemins étroits et en virages à quatre vingt dix degrés sont tous perdant.
Ce cher drapeau attendait mon retour. Le pauvre drapeau aux trois quart déchiqueté, rogné par le temps, âgé de mille ans, il n’en a plus pour très longtemps.
Derrière lui, une énorme cage à lapins. Sans lapin, mais un palmier au milieu de la cage. Pas très grand, mais qui donne un peu d’ombre à l’homme qui travaille ici son bois. Et.. du bruit vient de droite. Des rires ! Peut être à cause de ces fichus roches plantées au milieu du chemin, et qui doivent trancher les orteils de tous les blancs becs non nyctalopes. Comme bibi à l’instant. Ils doivent être trois ou même quatre. Lampe éteinte, impossible de savoir ce qui se trame ici ou là. Un peu plus loin, le calme relatif est suffisant pour entendre les pas de l’autre côté de la route, dans la même direction, à la même vitesse. Ceux là ne cherchent pas à être discret, au moins c’est rassurant.
Encore un virage à droite, et retour en dernière zone éclairée. La musique du film d’horreur est de retour. Ca rajoute encore à ce qui me manquait, de l’angoisse.
Sir Anthony Asshole.
PASSAGE MAROCAIN, A PARIS
Et voila un rendez vous de prit.
Heure prévue, alors je retrouve Said au lieu précis qu il m eut indiqué ce matin. Un joli petit restaurant qui fait office de café hors des heures de repas. On avait convenu de se retrouver sur la terrasse du café. La vue n est pas des meilleures mais la décoration est agréable, presque idéale pour mettre des jeunes filles en confiance. Des fleurs a chaque tables, des fleurs sur les murs, peints en jaune et bleu.
Je le vois seul a une table de quatre avec une et unique fille assise à sa droite. Je ne pense pas qu’elle fasse partie des touristes prévues. Elle est bien du cru.
Je les rejoins, et comme il me fait face, je le salues le premier et m’assieds à leur table. Je ne sais pas si les deux touristes sont en retard ou bien si elles ne sont plus de la partie. Je ne sais pas non plus qui est cette fille qui est assise à mes cotes. M’ayans préparé a être reçu par deux jeunes et jolies suédoises, me voila attablé avec cette pauvre marocaine. Oui la pauvre. Comment la décrire? Tout d abord je suis en train de me demander si elle est malade ou bien elle est toxicomane, tant elle est maigre. Sa maigreur fait ressortir ses traits, qu elle n a pas beaucoup de jolis. Alors que de petites fossettes peuvent être un atout pour certaines, cell-ci n a en fait que des traits exacerbés par son manque de carne, et ses fossettes se font rides. Et son nez, placé au milieu du visage, on ne pas le manquer son nez. Achiléen comme on en trouve que dans des bocaux de laboratoire universitaire. Un cas d’école. On le dirait cassé et recassé avec art. Remarquable travail. Ses yeux, qu’elle aurait pu avoir de jolis, des jolis yeux, ça fait passer beaucoup de vilaines choses à la trappe, mais non, ses yeux sont remarquablement exorbités, avec une drôle d’expression, et un peu trop humide, ce qui confirme son état malade. Ou de manque. Et son sourire, le sourire est souvent la clés pour ouvrir bien des portes. Le sien ferait fermer bien des serrures à doubles et triples tours. Et on y rajoute des cadenas. Quand elle tente de se faire charmeuse ses traits se font tendus, et nous dévoile alors un dentition qui découragerait bien des chirurgiens dentistes. Elle a travaillé la dessus aussi certainement car on ne perds pas autant de dents comme ça, juste par accident. Et celles qui restent, on pense qu’elle les aurait choyé. Elle les a gâtées.. Elle a peaufiné le travail avec du café, du tabac, du crack, que sais je encore…
En fait, en un mot comme en cent, cette pauvre fille est moche. Moche comme il se doit. A la perfection. Alors que décrire la beauté et ses mystères poserait bien des soucis, autant on pourrait faire étalage d'adjectifs, d'images pour le laid. Décrire le non beau est facile, rapide. Oui, ma fille, tu es moche comme c’est pas permis. Mais tu assume et ça aussi, c ‘est remarquable.
Lorsque elle pose sa main sur la mienne, ce n est évidement pas de la peur ni du dégoût qui me traverse la colonne vertébrale. Je me rappelle alors quelques unes des filles avec qui j'ai pu m'amuser. Ho ma chère, aucune chance que tu ne viennes agrandir la liste de mes conquêtes. Lentement, pour ne pas lui montrer combien elle est perdu dans un autre monde, et qu'un abîme la sépare de mes draps, histoire de ne pas la faire pleurer ici où on commence a me connaître, lentement je pose ma main droite sur la sienne et la déplace gentiment afin de replier mon bras gauche et amener en sécurité ma main de dessous la sienne, lui faisant comprendre ainsi de ne pas aller trop vite. Car bien évidement notre rendez vous nous aura conduit a cette fille et seulement a elle, cette fille de tout le monde. Mais qui doit être a bien peu de personnes en vérité et Said doit faire partie de la première catégorie. Il me demande pourquoi je ne veux pas partir avec elle? Elle ne me plait pas? La question est tellement surprenante que je ne trouve rien a dire sur le champs. Bien la vérité soit légitime, mais serait bien cruelle. Comment pourrait elle me plaire? Comment pourrait elle plaire a quiconque? Peut être en arrangeant ses cheveux. Non, je plaisante! Rien n y ferait. Je me verrai jamais l enlacer pour lui donner la moindre affection.
Je ne m énerve pas car je reste plus surpris de la scène qui vient de se déroulée cet après midi. Je ne sais pas si Said avait prévu de me faire payer, une fois de plus, pour quelque chose que je ne désirais pas, ou si son intention était de me faire plaisir après le désistement des deux blondinettes prévus au menu. En tout cas, plus jamais je n entendrais parler d elles. Furent elles que légende? Mais dans le doute, je retiens ça sur ta note, tu me le paieras au moment voulu, mon ami.
Ce soir comme tous les précédents, la musique est la reine sur la place Jama al Fnaa. Mais quand on a les yeux ouvert on peut voir la fumée des cuisines et toutes ces lumières reflétées par les passants, les dresseurs de singes et leurs drôles de chapeaux. Rouges avec des franges dorées un peu partout autour de leur énorme visière. Ce sont la plupart du temps les extrêmes d âges. Soit ce sont de gentils grands pères, soit ce sont ces jeunes vauriens qui ne vont pas a l école!
On peut voir d autres jeunes gens, robustes faire des acrobaties. Quelques unes rivalisant parfois nos danseurs parisiens de la place du centre Pompidou.
Ce n est pas donné a tout le monde de porter un homme sur le sommet de son crâne! Qui lui même tient sur une main! Oui oui..
MARKES A STONE TOWN
Debout 4:00!
Le rendez vous entre Winnie et ses deux acolytes est fixé a 4:30 au niveau de la gare d'arrivée et de départ des Dala dala, afin de trouver facilement un taxi.
A cette heure, peut être le stress de l'obscurité, de mauvaises rencontres, ou l'aspect totalement changeant du jour et de la nuit de la ville, si remplie de tout et de n'importe quoi, partout, et si morte la nuit tombée, le fait est que Winnie ne trouve pas le chemin le plus direct.
A son arrivée, le taxi est prêt a partir. Ne reste plus que le sac du dernier arrivé à mettre dans le coffre. La course est conclue pour 2000 Tshs.
Moins de dix minutes de route, le taxi est dans la même état "expectatif" que Winnie plus tôt. Il trouve néanmoins, après un ou deux aller retour.
Une haute porte en métal banc se dresse devant eux. Elle est entrouverte, ce qui les invite a entrer. A l'intérieur, plus ou moins cinquante barbus se réveillent, s’activent pour la première prière. Leur entrée dans l’enceinte de la mosquée ne peut être que remarquée lorsque Tim, par deux fois pose le pied sur l encadrement de la porte métallique. Le dernier endormi ne l’est plus grâce a lui. L'accueil est cordial, comme on peut s y attendre des frère musulmans, chacun passant à moins d'une dizaine de mètres vient les saluer d'une chaude poignée de main.
(1ère prière) se déroule dans la mosquée qui héberge pas moins de soixante élèves venus de toute l Afrique, certains venant même d'Oman. Leur apprentissage durera le temps qu’il faudra pour connaître entièrement le Coran par cœur. Cela peut aller jusque trois ans. Ou plus si nécessaire.
Leur étonnement, admiratif, cesse lorsqu'un dernier élève passe lui aussi par la porte métallique. Mais le passage de son vélo est remarqué par tous cette fois. Moins "discret" encore que Tim. Après avoir rencontré une dizaine d'hommes, discuté succinctement, ils montent dans une mitsubichi xxx pour une autre mosquée. Celle ou se trouvent les afrikaners. Retour dans le centre de Stown Town, en fait à juste une centaine de pas du marché. Deux heures après ce dernier voyage, statut quo.
Levers a 4:00 pour ne rien avoir déjeuné, ni savoir encore si notre venue était acceptée. Cela est sans doute une épreuve pour chacun. Une épreuve de foi!
Bref. Son estomac ne résonne pas comme il le faudrait dans cet endroit sain.
...
Rencontre avec Musulmans: islam is love!
: une assiette sans nourriture n est rien.
une maison avec personne dedans n est rien.
un homme sans amour n est rien.
-Une bougie se consume pour donner de la lumière autour d elle. Une bougie peut en allumer des centaines d autres.
- les récompenses ne son comprises qu en temps. Donnez milles shillings a un enfant ne lui fera pas plaisir, comparé a une simple barre de chocolat.
DANS LE 4X4 TOYOTA
Cette fraîcheur, comme c'est agréable. Ça me rappelle les platanes qui bordent les cotes de la route chez moi. Sauf qu ici ce sont des ...(?). Ces arbres qui défilent, entre lesquels on entends changer les grillons, et qui laissent passer les rayons du soleil par moment, tout ça donne un goût de vacances.
Le passage trop bref entre les arbres est terminé. Et le soleil revient. Encore plus violent que tout a l heure. Peut être est ce le fait d être rester un peu a l ombre que cela me donne cette impression, mais ma peau, même a travers mon t-shirt ressent sa morsure. Je dois fermer les yeux une seconde pour ne pas être ébloui, ma casquette vissée sur la tête n est pas très utile a ce moment. Tant pis, elle me protège un minimum.
On file toujours plein sud. le soleil reste a ma gauche et ne semble pas descendre très vite. Les ombrées ne s allongent pas beaucoup. Un virage me fait relâcher les paupières. J ouvre grands les yeux, enfin. L ombre du camion face a moi ne reste pas longtemps. Elle revient vite a sa place et de nouveau je près a entretenir mon bronzage style routier! Et me voilà a replisser les yeux, même latérale la lumière est éblouissante.
Assis à l’arrière du 4x4 Toyota, je profite néanmoins du vent relatif. Ce qui n est pas le cas des piétons et cyclistes que l on croise. Eux sont sous le choc de la lumière et de la chaleur. Rien de leur vient en aide. Si, on peut dire que parfois un camion les doublant, leur laisse un souffle puissant, mais en prime une épaisse fumée.
Les plus chanceux sont les motocyclistes. Et moi.
Au moment ou je le pense, virage a gauche. Et dans la foulée, ma casquette s envole. Les quelques secondes avant que le camion ne s arrête me sont insupportables: une véritable claque sur le crâne. Mais tous les conducteurs connaissent les signes pour s arrêter. Deux coups sur la carrosserie suffisent, et les voila rangés sur le bas cote. Je saute sur le goudron et cours pieds nus pour retrouver mon couvre chef si protecteur. Et en moins de temps qu il faut pour le dire, me revoilà a bord.
-"Si je me penche à nouveau dans un virage. Penser à m’accrocher a ma casquette, et pas seulement aux arceaux."
De retour dans mes rêves, je retrouve mes sensations de liberté et de puissance lorsque je me vois plongé dans mes souvenirs de voyage. Ce transport en sera sûrement un de plus.
Une belle ligne droite est laissée devant mes yeux par le camion. Certains enfants et adultes me dévisagent, pour finalement me faire de francs sourires lorsqu ils s aperçoivent qu un mzougou est tout seul a l arrière.
Le plus flagrant, c est les couleurs. Par exemple, dans le metro parisien, on retrouve une grande grande majorité de noir, de gris. Sur la route, dans les dala dala et partout où on peut croiser des gens, les couleurs portées sont vives, différentes. Avec ou sans motifs, les vêtements sont loin d être triste.
...
Allah Wakbar!
5:05 l appel est lancé. Dans les premiers a être sur pieds, je peux constater que faire sortir de leur sommeil les frères n est pas toujours aussi facile qu il m aurait semblé.
A la grande mosquée, a cote du marche aux légumes, l appel est fait. Il est lancé par un pakistanais. Je ressent des frissons. Mes poils s hérissent. Ce chant ressemble a l écriture arabe mise en portrait. Magnifiquement. Le soleil fouette mon visage, mon corps entier. Je me tiens debout face a la cour, au fond de laquelle je pourrais voir la vie s agitée si seulement mes yeux étaient restés ouvert. Voila, ils se sont fermés naturellement pour profiter du moment. Dépaysement. Magie. Appel a l amour. Un ensemble que je ne peux en fait que mal décrire tellement il semble magique.
J écoute et je ressens. Je profite patiemment.
LA NUIT :FRIGORIFIQUE,MAIS ETOILES ET QUESTIONS EXISTANTIELLES POSITIVES
...
Il éteint ses feux et paradoxalement tout devient plus clair. Le dala dala numéro 340 pour mpango mzima, peint sur le capot du Suzuki, est aux couleur de la Jamaïque. Avec un sticker aux couleur du pays collé entre mpango et mzima, le portrait de Bob Marley au centre de l autocollant. Je retrouve mon panorama.
De l autre cote de la route le vendeur de chips, pommes de terres frites, et de brochettes. Poulet: 350 Shillings pièce. Boeuf: shillings, et : shillings. On mange donc pour moins de deux euros avec une assiette de frites et deux brochettes. Ça ressemble un peu a un stand de foire. Tant par l allure de cette cuisine, ou deux hommes se tiennent debout pour préparer et servir, un bien plus âgé que le celui qui le seconde. Mais aussi par l animation qui règne autour.
Le feu derrière le stand est maintenu par un babou, qui n a pas l air si âgé que ça pour qu on le nomme comme ça, mais c est peut être juste son surnom.
Une femme semble aussi s en occuper. Elle retire méticuleusement les bûches, qu elle place sur son cote droit. Elle utilise une pelle pour retirer une bonne quantité de braises. Puis replace les bûches. Aussi méticuleusement. Puis repart en fait de son cote. Retourne chez elle avec un feu quasi prêt. Elle n aura plus qu a mettre quelques bûchettes dessus et le feu reprendra de lui même. Ce feu qu elle prépare devant sa porte pour y préparer son repas, a elle et a ses enfants. Elle semble être seule avec deux petits, qui sont peut être même ses petits enfants.
Entre cette mama et moi, la route nous sépare. La sorte de place qu elle a dut traverser pour retourner chez elle, qui sert accessoirement de parking aux fins gourmets et connaisseurs de l endroit. La majorité vient a pied, et les rares voitures stationnent en fait juste devant le stand. La fumée d échappement se mélange alors a celles des brochettes et des frites. Elle ne passe cependant pas inaperçue.
A l une des extrémités de la table de travail, un gamin d a peine douze ans vend des chapatis pour une somme défiant toute concurrence.
Le temps de descendre pour passer commande, de payer et de remonter, le chauffeurs rallume ses feux. De nouveau ébloui par le dala dala, je ne distingue que ce qui est a moins de trois mètres de mois. Une fois parti, ça revient a la normale. Sans éclairage public, le moindre feu de bois devient un lieu de rassemblement.
DEPART POUR LA ZAMBIE
C’aurait du me mettre la puce à l’oreille. Si les guides du net ont jugés bon de spécifier que les trains au départ de Mbeya pour Kasama étaient du genre prompt, alors que ces deux villes sont en Afrique, c’est qu’il y avait anguille sous roche.
QUATRE heures de retard qu’il avait le train. Quatre heures !
Mais il est arrivé.
Et je suis arrivé en Zambie. Descente du train à huit heure du matin, je me suis dis qu’il était naturel de prendre un thé dés la sortie de la gare. Chaque thé étant différent d’un pays à l’autre, j’étais curieux de goûter le Zambien. A la quatrième et dernière cueillere à soupe de sucre, rien que pour ma tasse, j’espérais me retrouver avec un thé à la marocaine. Non, rien d’aussi suave. Un tantinet amère, un tantinet âpre. Mais chaud. Avec le froid que l’on connais de la Zambie, le matin du moins, la chaleur de cette boisson trop sucrée et en même temps rude, passait pour réconfortante.
Pas de taxi, ni de minibus. Il est tôt alors je décide de prendre le train onze, comme disait ma grand mère. Apres une petite demi heure de marche, le premier guest house est en vue. Trop chère. Et peu accueillant. Le bâtiment du moins, car l’accueil de cette dame était parfait. En me donnant l’adresse d’un hôtel moins chère, son « goodbye » fut des plus souriant.
Direction Kapongolomonter. A prononcer.. comme on peut, en appuyant sur … certaines syllabes.
Encore une demi heure de marche, je demande ma route – pour confirmer- à un cycliste. Ce cycliste, du nom de Jackson, exagère les politesses en m’accompagnant maintenant à pied et en prenant un de mes sacs. De fil en aiguille, je décide de ne plus rester ici cette nuit, mais de me rendre directement à Mporokoso, où se trouvent de magnifiques cascades, loin encore de tout tourisme. Jackson m’escorte durant encore une demi heure jusqu’au lieu de départ des minibus.
Les élections prévues pour le vingt ne peuvent échappées à personne. Affiches collées partout. Par-tout ! Que ce soit pour le président sortant, Rupiah Banda du MMD, ou le chef de l’opposition Michael Sata, du PF, on peut aussi voir passer des camions sur lesquels « une foule » montre leur choix de vote. Jackson lui même porte un t-shirt vantant le Patriotic Front de l’opposition.
Un peu plus tard, sur une affiche de la Commission Electorale de Zambie, je lis avec un sourire non forcé « Your vote is secret ». Votre vote est secret, voilà bien une affiche qui brasse du vent!
Si le vendeur de billet m’annonce avec assurance qu’il ne restent que quatre places à saisir, cela sent comme un départ imminent. Billet acheté à dix heure, départ à treize. Jackson, lui, sera resté avec moi un bon moment avant de me laisser à mon triste sort.
Treize heures donc.
Le chauffeur demande à chacun de redescendre du minibus, devant faire le plein de carburant. Il revient, tout le monde remonte. Un briefing de départ est fait par le patron de la compagnie. Franche rigolade quand on entend le touriste annoncer –« j’ai donné mille Kwacha pour mon bagage. »
En théorie, chacun en allonge dix fois plus, donc seul l’employeur rit jaune pour ce billet qui sera passé discrètement dans la poche du vendeur, et non dans la sienne. Est ce à cause de cela, mais une réunion de dernière minute est organisée, le chauffeur y est invité. Retard approximatif : quinze minutes. Attendre à vingt et un dans un bus prévu pour douze, sous un soleil qui est maintenant vraiment présent, n’aura rien eu d’agréable. Mais le seul à s’échauffer aura été le blanc bec, la patience africaine est à toute épreuve.
Le chauffeur arrive enfin. Fait monter deux personnes de plus, et tente de fermer la porte.
Et y arrive.
Le vendeur de billet et deux autre poussent le minibus, car forcement il ne démarre pas tout seul.
On est parti. En avant pour cent soixante quinze kilomètres dans cette boite en carton.
D’accord, l’organisation n’est pas le for du chauffeur qui s’arrête, disons après cinq cent mètres d’une allure qui m’aura quand même décoiffé. Il faut dire que la vitre arrière remplacée par du ruban adhésif, tenant sur quelques centimètres seulement, n’imperméabilise pas trop l’habitacle, et même à trente kilomètres heure, ça ventile.
Arrêt du chauffeur. Arrêt du moteur. Le voilà à courir à travers un champ, vers une maison pour faire on ne sait quoi. De retour, les passagers proches de la porte s’y collent. On pousse ! Et on repart.
Première, seconde poussée au maximum puis troisième. La quatrième quand à elle ne restera pas assez longtemps pour passer le flambeau à la cinquième. C’eut été trop beau.
Car quelques minutes à peine apres ce départ, le bus stoppe. Encore. Cette fois notre pilote est invité à monter dans la voiture de police arrêtée dernière nous.
On repart ? Non, la portière fait des siennes. Ca bricole, ça se dégonde, une musique de noël tinte. Poliment, c’est le chauffeur-bricoleur qui répond, c’est son téléphone après tout. Le temps s’arrête comme nous.
On repousse ?
Cette fois, rien ne pourra nous arrêter, on file comme le vent. Une légère brise est sûrement valable.
Deux, trois kilomètres, à vue de nez et notre « driver » stationne cette fois à cause d’un frottement, quelque part derrière. Il nous demande gentiment, enfin, tout simplement, de changer de place pour certain afin de repartir les « charges ». Mon nouveau voisin se présente, il s’appelle Oliver, maître d’école.
Du coup, le chauffeur en profitera pour prendre quelques cigarettes au stand un peu plus loin, là, et bricoler le démarreur. Joli coin pour le tourisme, mais ce n’est pas notre objectif du jour que de voir toutes les bornes sur le bas côté de près.
Le chauffeur prend de l’assurance une fois le bus échauffé. Et les virages prouvent combien il est facile de faire plier un bus de la région. A droite, la paroi se rapproche de moi, le plafond aussi. A gauche, la paroi s’éloigne, et le plafond se rapproche encore. Fort heureusement, les cent soixante cinq kilomètres de piste, à présent, vont freiner son ardeur. Mais la boite en carton reste bien flexible.
Quelques arrêts homologués (cinq ou six pour différentes raisons valables, comme arrêt pipi, ou pause casse croûte) et le soleil se couche.
Ca commence à palabrer sévère autour de moi, Oliver, proche, très proche, me dit que la prochaine pause se fera pour changer de minibus. Pourquoi ? personne ne sait vraiment, mais chacun est mécontent. On suit donc notre prochain moyen de locomotion à travers un marécage, hors trajet, pendant bien une demi heure. On passe sur des pont prévus peut être pour des charrettes à âne, mais pas des bus. Mais à chaque fois ça passe. De justesse, mais ça passe.
Et enfin, transfert de bagages, transfert de passagers.
Combien de temps reste t-il encore? On en a jusqu’à vingt deux heures à se cogner les uns contre les autres, ou décoller du siége quand la pédale est trop enfoncée alors qu’un magnifique nid de poule sort de sa cachette.
Mporokoso, enfin, nous accueille d’un vent encore plus frais que celui du bus. Frigorifié. Petit village désert à cette heure, on verra son accueil demain. Pour le moment, vite, trouver une guest house.
Vite, dodo au chaud.
Voilà un petit problème, à cette heure, aucune guest house ne répond à notre demande, curieux ça quand même ! Apres une dernière petite tentative dans Lesawa Sreet, Oliver m’emmène chez son ami, chez qui il devait passer la nuit.
Une véritable forteresse nous ouvre ses portes. Barbelés, câbles électrifiés, chiens de garde. Je ne sais pas si je dois me sentir en sécurité, ou justement craindre une attaque des sioux !
Les deux jeunes hommes qui ouvrent la porte semblent étonnés de trouver un touriste avec Oliver. Ils avertissent le maître du lieu, qui arrive tout sourire. Le patron au moins sait recevoir.
Au chaud dans cette grande maison, déserte et sobre, seuls des portraits de Jésus-Christ sont accrochés aux murs.
- Ha, il fait meilleur ici.
- Fais comme chez toi, me répond Oliver.
Il est malin, il n’est pas chez lui et me dit de faire comme chez moi. Ok. Voilà, je m’assoie en tailleur et je mets le pieds sur le canapé.
En revenant dans la pièce, Bright, le propriétaire, me regarde, et me dit simplement :
- Tes pieds !
- Ho pardon, je pensais que…
- Ce n’est pas grave, ce n’est pas grave ! Me rassure Oliver en rigolant !
Il est le seul d’ailleurs à rire.
- Demain matin je dois travailler tôt, ça ne vous ennuie pas de vous lever en même temps que moi j’espère !
Que voulez vous que l’on puisse répondre à ce genre de phrase ?
- Heu, bien sur que non. Avec plaisir !
- Ca ne t’a pas fatigué toi le transport, moi je serai prêt à faire une nuit de douze heures sans problèmes, lance alors Oliver à mon intention.
Mais qu’est ce qu’il cherche ma parole, celui là ? A nous faire virer pronto ?
-« Seigneur, blablabla… pardonne nous nos péchés passés et futures, blablabla… accueille ceux qui vont arrivés dans ta demeure, blablabla…
MANGEE PAR UN HIPPOPOTAME
- Bon sang, c’est pas vrai ! Mais qu’est ce que c’est que ce pays ? il ne peuvent pas construire des routes plus longues que trente kilomètres ou quoi ?
- On arrive, ma chérie, on arrive ! Le dos décollé du dossier, avancé vers le volant comme un petit vieux, sur lequel ses deux mains se trouvent à dix heures dix, il scrute le ciel comme si celui ci devait lui donner la réponse. Tu vois comme c’est joli ?
- Hmm, pour l’instant je ne vois que les mêmes arbres depuis cinq heures que l’on conduit.
- heu… que je conduis ? Ose t-il répondre, ou demander. Ho ! regarde un perroquet de Meyer, lui montre t il du doigt, Hoo, tu as vu comme c’est joli ce vert. Hoo…
- Regarde la piste, trésor. Tu vas nous faire avoir un accident, je te connais !
Le lodge « Ngepi » est enfin en vue, et il y en a une qui doit être ravie, depuis tout ce temps passé dans la voiture. Quelle horreur.
Apres avoir franchit un portail digne de ce nom, énorme, en fer forgé peint en blanc et noir, et un barreau sur trois peint en jaune, la piste continue quelques centaines de mètres à l’intérieur même du parc.
JP a choisi ce lieu reposant pour les vacances de sa tendre épouse, qui a tendance à laisser le stress l’emporter dans sa vie.
- Tu vois comme c’est mignon ma chérie ? Demande JP en s’approchant de sa femme avec un sourire, au sortir de la voiture.
- Déjà, c’est Jean-Pascal ! Affirme t elle avec un signe du menton vers le sol, stricte. C’est sauvage surtout ! Y’a du sable partout, j’en ai encore plein entre les orteils. Ho, ca me fatigue tout ca… ca me fatigue !
Au moment où JP, réconfortant, tente de lui embrasser la joue, un cri, un grondement, un grognement se fait entendre.
- Trésor, qu’est ce que c’est ? Elle se redresse, le regarde. C’est affreux, qu’est ce que c’est ? Je ne veux que l’on reste dans cet enfer.
- Mais non, c’est la nature, un hippopotame voilà tout. Il doit être loin en plus, leur voix porte il est vrai, assez loin. Il regarde autour de lui, l’air ravi. C’est beau la nature.
- Non, mais… écoute toi ! C’est ridicule ce que tu dis mon pauvre chéri. Tu trouve que le cri affreux de cet ignoble animal est beau ? Allons bon !
D’accord, les goûts et les couleurs ça ne se discute pas ! J-P est bien amoureux de …
- Jean-Pascal ! Lance t elle d’un ton froid !
- Oui chérie ?
- Rien !
Nos deux amoureux se font montrer leur chambre. Ou plutôt leur suite car J-P est toujours aux petits oignons pour sa femme. Pas d’escalier, mais une petite rampe en colimaçon pour accéder à une grande pièce ouverte sur la rivière Kavango, au fond de laquelle se trouve un grand et beau lit au milieu d’une décoration mi africaine, mi colon. La « case » est peinte en blanc et en noir, ce qui n’aura pas échappé à l’adorable épouse de J.P qui n’aura pas manqué de faire une gentille remarque sur une quelconque ressemblance avec le zèbre, animal stupide selon elle.
- Jean-Pascal, n’oublie pas de prendre ton médicament, sinon tu vas encore te plaindre toute la nuit. Allez, prend le maintenant.
Debout, dos à la rivière, il regarde sa femme allongée sur le lit en habit de randonneur : pantacourt et chemise kaki, chaussures de marche montantes sur des chaussettes remontées jusqu’aux genoux.
- Je viens de le prendre, ma chérie, lui dit il en se plaçant la main sur le ventre. Il se retourne, face à la rivière Kavango, et se masse légèrement le ventre.
- C’est quand même bizarre que quelqu’un sans responsabilité comme toi puisse souffrir d’un ulcère, elle se lève et se rapproche de lui, et lui dit : tout ça c’est pour se faire cajoler par sa gentille petite épouse, dis ? Mais ne la prend pas pour ta mère tout de même !
Elle l’enlace par derrière, et ajoute :
- Tu aurais pu choisir une chambre avec une porte non ? C’est pas dangereux comme ça ? On ne risque pas d’avoir froid ? Et les moustiques, tu n’y a même pas pensé je suis sur ? Haa, soupire t elle, la prochaine fois c’est moi qui organiserai nos vacances.
Et leur première nuit se déroula sans surprise, JP ayant du la rassurer à chaque bruit de la brousse, comme à chaque bruissement d’herbe.
- Bonjour ! lui dit il tendrement quand il la vois ouvrir un œil. Tu as bien dormi ? Regarde moi ce petit déjeuner à l’anglaise.
- Oh s’il te plait, retire moi ça de sous le nez, répond elle sans le regarder. Elle pousse le plateau placé amoureusement à côté d’elle contenant l’attirail réglementaire pour tout bon anglais au matin, c’est à dire œufs, bacon, thé, petites saucisses… Au réveil, merci l’odeur, continue t elle en refermant les yeux. Et comment veux tu que je puisse bien dormir avec tous ces gémissements bestiaux ?
- Comme tu dis ! Je n’ai pas fermé beaucoup l’œil moi non plus !
- Non mais écoutez le ! Elle réouvre les yeux, et lève la tête, comme pour mieux voir son mari. Ces affreuses bêtes, je suis sure qu’elles cherchent à rentrer. Ha ! ne pas mettre de porte ici, c’est un comble quand même ! En lui tournant le dos, elle ajoute : et à chaque fois j’ai du te réveiller, tu dormais comme c’est pas permis.
- … Oui c’est vrai, je m’en souviens maintenant !!!… Mais ils sont loin, on dirait qu’ils sont proches mais non….
- Mon trésor, tu veux pas aller me chercher un petit déjeuner comme je les aime ? le coupe t-elle. Allez… va !
Ce n’est pas à son habitude, mais JP ressent sa douleur tôt ce matin, il décide de prendre un médicament de bonne heure.
- Jean-Pascal ! elle insiste sur le « Jean » et le « Pa » de Pascal.
- Il est loin ne t’inquiètes pas. Et pourquoi tu voudrais qu’un hippopotame veuille rentrer dans la chambre, pour nous saluer ?
Il sourit, mais son ventre le fait se tordre… légèrement.
- Ok, laisse tomber. Je prendrais mon petit déjeuner plus tard.
Justement, un peu plus tard, alors qu’elle se rend à la douche, elle même sans porte –mais une chaîne signale si le petit-coin est occupé- elle tente de se rassurer quand elle entend encore ces « ignobles animaux ».
- Ok ! Ca suffit maintenant, je prend ma douche et on s’en va ! Qu’est ce que c’est que ce manque d’intimité ? Et en plus ces toilettes, bariolées de jaune, de noir, ouvertes à tous les vents, c’est totalement ridicule !
Au lieu de s’inquiéter n’importe quand, elle aurait du s’inquiéter au bon moment.
C’est à dire maintenant.
- ….. Haaa !!!! pousse t elle encore une fois lorsque le mammifère aquatique pousse un grognement, cette fois à quelques pas d’elle.
J.P connaissant l’histoire de Pierre et le loup, il ne s’inquiète pas et reste allongé sur le lit, s’attardant à écouter les bruits de l’eau, des cigales et des oiseaux qui entourent leur hutte.
Elle continue. Hurle de plus belle. Et lui lance tout ce qu’elle a portée de main, c’est à dire brosse à dents, savonnette, brosse à cheveux, sans faire le moindre mal à la « bête ».
Cette fois l’hippo était vraiment très très proche, aux portes du paradis si on peut dire.
Les cris poussés par la râleuse en voyant ce mastodonte provoque l’affolement de l’animal qui venait simplement visiter les abords de sa rivière, et les projectiles ne réussirent qu’à le rendre un peu
Quand une mâchoire appartenant à un animal de six cent kilos, même si c’est un herbivore, se referme sur un petit corps grassouillet (66kg quand même), ça ne fait ni une ni deux. Ou plutôt si, ça en fait deux de morceaux de la jeune femme.
De son côté, J.P pense en lui même « Ils avaient raison dans la pub, c’est le paradis ici ! Puis, étonné : Tiens !? ma boule a disparue ! »
CHEF CHAOUEN
Dans mon village de montagne, tout allait bien. Mon hôtel était devant les fortifications de l’ancienne médina, en hauteur du village. De la terrasse, je pouvait apercevoir le café où j’allais chercher mon jus de fruit chaque matin. La « bab » qui nous emmène dans l’ancienne médina. Et un peu du village. Depuis la seconde terrasse, au dessus de la première, on pouvait voir les montagnes derrière l’hôtel, les chemins d’ânes et de chèvres, le village jusqu’au lavoir, qui ne semblait pas si loin de là, et la route qui menait à la nouvelle ville.
Le gars de l’hôtel s’appelait Shakim , un amour. Le soir il m’attendait souvent pour manger. De sa soupe aux pois. Des tajines. Des couscous. Il a du me faire goûter à tous les meilleurs plats du Maroc.
En fait là bas, beaucoup de vieux fument le kif, avec une longue pipe que l’on appelle « Sepsi ». Et ce jour là, Shakim prépara son kif devant moi. On était dans la cuisine-salle à manger-réception, une théière pleine de somptueux thé à la menthe. Des petits gâteaux aussi. Il avait envoyé son plus jeune fils, Ali, en chercher. On discutait. Pendant qu’il enlevait les feuilles de ses branches, je lui racontais mon aventure à Kétama.
- Hmm.. tu es allée à Kétama ? C’est un peu dangereux pour une jeune fille toute seule. Tu n’as pas eu de problèmes ? As tu fumé du bon haschich ?
Pendant que je continuais à parler, lui avait fini de séparer les têtes du reste du pied de la plante. Il me dit en préparer assez pour la semaine, et m’en donner un petit paquet si j’en voulais. Je vis aussi comment il préparait les feuilles de tabac frais. Il éminça le tout, herbe et tabac, puis le mélangea, le recoupa en menus morceaux, et continua encore. Et quand il jugea son travail convenable, il sorti sa longue sepsi. Le petit foyer fut vite rempli. Il me montra comment l’allumer, la fumer. Et la nettoyer : l’extrémité de la pipe dans le creux de la main gauche, et en claquant avec la main droite, on provoque une surpression et on la vide d’un coup sec. Enfin quand c’est lui que le faisait.
Une journée culture avec Shakim.
En fin d’après midi, j’avais l’habitude de me promener dans Chef Chaouen. Je passais souvent devant un olivier, en haut de quelques marches en sortant de l’hôtel, où étaient présentés des tapis berbères.
Il y avait toujours des enfants qui couraient ici, ou là entre ces murs de deux bleus, où par endroit, même le sol est peint. Par ces ruelles, ces marches glissantes quand il vient à pleuvoir, je me rendais sur une petite place pour une « bomba ». Que de couleurs et d’odeurs.
Sur cette petite place, assez touristique, il y a un petit café, planqué, mais qui vaut d’être connu. Ces bombas sont de pures merveilles. Mélange de banane, avocat, lait et certainement de la crème et du sucre… à tomber ! En retrait de la place, cachée par des oliviers situés en dessous du balcon où je me plaçais habituellement, je dégustais en regardant la vie de ce quartier marocain, place Outa el Hammam.
Je suis restée chez Shakim, le gars de l’hôtel, une semaine, et ensuite je suis retournée à Tanger, histoire de prendre un autre avion, et enfin partir à Paris !
Des travailleurs noirs.
Ils ou on devrait avoir honte de ce que l on dit d eux !
Les fonctionnaires ont la belle vie : en visite dans tel bled, ils ont 350N$ par nuit de défraiements. Le guest house à 150, ils leur reste 200N$ pour la nourriture. Et et et la boisson. Repas à 60-70N$, ça fait pas mal de bières à boire. Evidement, ils ne vont pas profiter seul de leur chambre loin du lit conjugal !!
Sa facon d eternuer : Habababhouh !!
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